14 Fév Estrie versus Cantons-de-l’Est : S.V.P. Un avis de la Commission de toponymie du Québec pour le ministre
COMMUNIQUÉ
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Sherbrooke, le lundi 14 février 2022 – Dans tout le débat lié à l’appellation régionale de l’Estrie et la volonté de certains élu(e)s d’en changer le nom, l’on constate jusqu’ici une absence de taille : la toponymie, soit la science qui encadre l’adoption des noms de lieux. Soucieux de bien comprendre les principes qui, normalement, devraient guider les décideurs lorsque vient le temps de désigner un lieu, les responsables de la Société nationale de l’Estrie (SNE) ont questionné la Commission de toponymie du Québec (CTQ). À la lumière de leur réponse, il semble évident que la demande actuelle de changement de nom ne remplit pas les critères de base liés à la toponymie. Le gouvernement du Québec demandera-t-il un avis à la Commission?
De l’usage d’un nom
Dans un échange épistolaire disponible ici, un éclairage particulier fut demandé à la CTQ à propos de trois des critères généraux (disponibles via ce lien) ou pratiques non-recommandées (disponibles via ce lien), soit les questions liées à l’usage d’un toponyme, à l’utilisation de génériques conformes, puis aux désignations suscitant la dissension.
Concernant l’usage d’un toponyme, la CTQ rappelle que « le respect de l’usage courant est l’un des critères fondamentaux en toponymie. Les toponymes dont l’usage est le mieux établi doivent avoir priorité s’ils ne dérogent pas à d’autres critères ». Or, c’est par dizaines que des organismes à vocation régionale et des entreprises ont intégré le vocable “Estrie” dans leur nom (une liste sommaire est disponible ici). Imaginons seulement quelques instants la charge administrative et les coûts engendrés inutilement pour ces derniers.
De plus, l’utilisation du gentilé « Estrien » et « Estrienne » est si répandue que les promoteurs du changement de nom tentent d’adoucir leur position en affirmant que le gentilé pourrait rester malgré l’adoption du vocable « Cantons-de-l’Est ». Il s’agit là, selon la SNE, de l’admission à peine voilée que l’utilisation éventuelle de ce vocable pose de sérieux enjeux d’intelligibilité.
De l’importance d’un large consensus
Quant à la pratique non-recommandée liée à l’utilisation de désignations péjoratives, grossières ou suscitant la dissension, la CTQ rappelle qu’ « (…) un large consensus doit être obtenu avant de procéder au changement d’un nom, en particulier lorsqu’il s’agit du nom d’une entité d’importance, d’un nom très implanté dans l’usage ou qui ne pose pas problème ».
Or, la SNE rappelle qu’il n’y a jamais eu de consensus sur cet enjeu : c’est à la majorité seulement que la Table de préfets de l’Estrie adopta une résolution liée à la demande de changement de nom. Quant aux MRC qui se sont prononcées en faveur du changement de nom, elles l’ont fait sur la base des seules représentations des promoteurs de ce changement. Qui sait ce que les élu(e)s auraient finalement choisi s’ils avaient pu entendre les arguments favorables à l’Estrie, plutôt que d’expédier le débat ?
Une partie de la réponse se trouve peut-être dans le Granit qui, lors d’un vote en janvier, a annulé un vote précédent pris en 2021, vote qui acceptait le changement de vocable pour la région de l’Estrie. Les consultations publiques mises sur pied par la Commission de la toponymie du Québec ont récemment démontré l’absence de consensus citoyen sur cet enjeu d’importance.
Une franche invitation
Alors que la CTQ, en règle générale, « favorise la stabilité de la nomenclature toponymique officielle, (…) et que lors de l’analyse d’un dossier de changement de nom, elle évalue l’enrichissement que le nom ajouté peut représenter pour la nomenclature toponymique officielle et, inversement, la perte pour le patrimoine toponymique que pourrait représenter le remplacement de l’ancien nom », la SNE est convaincue que jamais cette instance gouvernementale ne recommanderait le changement de nom pour la région de l’Estrie si elle était consultée par le gouvernement du Québec, lequel tranchera ultimement sur la question. « J’invite le ministre responsable du dossier à user de tous les outils mis à sa disposition afin de prendre une décision éclairée dans ce dossier. En effet, pour la SNE, il est évident qu’un avis de la Commission de toponymie du Québec s’avère incontournable, alors que la décision qui sera prise marquera l’histoire de la région estrienne pour des décennies » conclut le président de l’organisme, Etienne-Alexis Boucher.