23 Mar Estrie versus Cantons-de-l’Est : La toponymie n’est pas une marque de yogourt
Sherbrooke, le mercredi 23 mars 2022 – C’est à Granby qu’a pris fin hier la deuxième et dernière phase des consultations publiques mises sur pied par la Commission municipale du Québec (CMQ) et qui ont porté sur une demande de changement de désignation pour la région administrative 05. Si un rapport de la CMQ est attendu vers la fin avril, pour la Société nationale de l’Estrie (SNE), les conclusions pouvant être tirées de l’exercice sont claires: exception faite de l’industrie touristique, il n’y a aucun appétit dans la région pour un changement de nom; le vocable « Estrie » et son gentilé sont profondément ancrés dans la région de par leur usage très répandu et possèdent notamment une forte valeur identitaire; puis, un tel changement contreviendrait aux principes énoncés par la science de la toponymie et qui normalement encadrent ce type de débat, cela sans que d’autres arguments crédibles, par exemple au niveau économique, puissent justifier un tel accroc à ces principes.
D’une mobilisation citoyenne face à la mobilisation d’une industrie
Le constat était saisissant: face aux représentantes et aux représentants de l’industrie touristique, soutenus par leurs réseaux, évidemment favorables au changement d’appellation régionale, ce sont des citoyennes, citoyens, des élues et des élus qui se sont levé(e)s afin de s’opposer au changement de désignation de la région administrative 05. Les premiers parlaient surtout d’attractivité et d’opportunité économique, bref, d’argent; les seconds parlaient d’identité, de mémoire, de toponymie, de cohabitation entre les deux désignations actuelles et remettaient en question l’existence d’un véritable impact en matière d’attractivité régionale en lien avec un éventuel changement de nom pour la région, tout en soulignant les importants tracas financiers et administratifs qui y seraient liés.
« Il nous est significatif qu’aucun représentant ou représentante d’organismes de développement économique ou encore d’une autre industrie que celle du tourisme n’ait pris le temps de venir témoigner en faveur du vocable « Cantons-de-l’Est » lors de ces consultations publiques. Ça démontre que les prétentions des promoteurs du changement d’appellation régionale en matière d’attractivité territoriale ne sont partagées par personne. De l’autre côté, ce sont des dizaines de citoyennes et de citoyens qui sont venus non seulement témoigner de leur attachement au vocable « Estrie », mais aussi faire valoir de véritables arguments, basés sur la science et la logique, qui militent en faveur du maintien du vocable régional actuel » lance le président de la SNE, Etienne-Alexis Boucher.
D’une consultation publique en deux temps… et de l’absence de consensus
Annoncées le 14 décembre dernier, les audiences publiques tenues par la CMQ et portant sur la demande de changement de nom ne permettent absolument pas aux promoteurs du vocable « Cantons-de-l’Est » de s’appuyer sur celles-ci afin de démontrer que leur projet bénéficie d’un large appui au sein de la population estrienne. D’abord, notons la portée très limitée de ces consultations publiques, qui n’ont touché qu’un maigre 0,096% (moins de 1/10 de 1%) de la population concernée. De plus, si la phase des consultations publiques « par écrit », objet d’une forte mobilisation de la part de Tourisme Cantons-de-l’Est et de Vision Attractivité (comme en témoigne ce document), a pu faire croire à un certain appui citoyen pour le projet de changement de nom (63,29% pour Cantons-de-l’Est versus 36,71% pour Estrie), il en est allé tout autrement de la deuxième phase des consultations publiques (67,2% pour Estrie, 29,8% pour Cantons-de-l’Est et 3% pour la neutralité), pour laquelle la contribution des personnes et organismes intéressé(e)s nécessitait un engagement beaucoup plus important que pour la première phase. Cela, sans compter qu’une pluralité de la population estrienne (plus de 45%) est représentée par des élu(e)s favorables au vocable « Estrie », face à des élu(e)s favorables aux « Cantons-de-l’Est » représentant environ 41% de la population régionale.
« Au-delà des chiffres, il existe une incontestable conclusion tirée de l’exercice qui prend fin aujourd’hui : le projet de changement de nom pour la région administrative 05 a connu un échec retentissant quant à la nécessité d’établir un large consensus régional sur la question, principe fondamental de la Politique relative aux changements de nom de lieux, mise à jour par la Commission de toponymie du Québec le 3 mars dernier. De même, face à des arguments souvent subjectifs, les citoyennes et les citoyens favorables au toponyme « Estrie » ont su articuler, en plus du discours identitaire, un discours rationnel, qui peut se résumer en une phrase: la toponymie n’est pas une marque de yogourt » conclut M. Boucher.