29 Mar Estrie versus Cantons-de-l’Est : La Commission de toponymie lance un appel du pied
Sherbrooke, le lundi 28 mars 2022 – Le 18 mars dernier, la Commission de toponymie du Québec (CTQ) a publié sa nouvelle Politique relative aux changements de noms de lieux, adoptée quelques jours plus tôt. Alors que se déroule actuellement en Estrie un débat qui porte justement sur un éventuel changement de nom d’un lieu (la région administrative), on peut certes y voir un appel du pied de la CTQ lancé au gouvernement du Québec quant à la nécessité de solliciter son avis sur cet enjeu toponymique. Ce faisant, tant le gouvernement que la population estrienne pourraient enfin savoir si, en fonction de critères inspirés des Conférences des Nations Unies sur la normalisation des noms géographiques, un éventuel changement de nom régional respecterait ou non l’intérêt public, estiment Laure Letarte-Lavoie, conseillère municipale sherbrookoise, et Etienne-Alexis Boucher, président de la Société nationale de l’Estrie (SNE).
Des critères encadrant les changements de noms de lieux
La nouvelle Politique produite par la CTQ fait état de plusieurs critères directement liés au débat qui a actuellement cours en Estrie. Par exemple, la CTQ établit que « l’un de ces critères prévoit que l’on doit éviter les choix susceptibles de provoquer ou d’alimenter une dissension ». Or, tant le déroulement des audiences publiques que le positionnement des élu(e)s de la région ont démontré qu’il n’existe aucun consensus pour un changement d’appellation régionale.
Elle précise aussi que « (…) pour tout projet de changement de nom, la recherche d’un large consensus et du meilleur compromis possible, qui peut correspondre au statu quo, doit être privilégiée, en particulier lorsqu’il s’agit du nom d’un lieu d’importance significative (Note: lieu dont la dimension physique (…) dépasse l’échelle locale ou municipale, telle une région), d’un nom très implanté dans l’usage, ou encore d’un nom qui ne pose pas problème ». Le vocable « Estrie » répond favorablement à l’ensemble de ces facteurs d’analyse.
Enfin, en plus de favoriser la stabilité de la toponymie officielle, la CTQ précise qu’elle « (…) peut refuser d’approuver tout changement de nom de lieu qu’elle juge contraire à l’intérêt public. De plus, elle est réticente à considérer comme recevables les projets de changement de nom qui sont basés sur des motifs personnels ou de nature promotionnelle ». Cela, alors que les promoteurs du changement de nom, principalement l’industrie touristique, ont beaucoup axé leurs discours autour du caractère prétendument plus attractif de la « marque de commerce » des « Cantons-de-l’Est ».
« Honnêtement, tant le moment choisi par la CTQ afin de publier sa nouvelle Politique que le contenu de cette dernière en tant que tel parlent d’eux-mêmes. Je n’ai rien à rajouter, si ce n’est que cette politique aurait très bien pu s’intituler Politique relative à ce que plus jamais un débat toponymique ne se déroule comme il se déroula en Estrie » a lancé le président de la SNE, M. Boucher.
De la nécessité d’un avis de la CTQ
Bien sûr, l’implication de la Commission municipale du Québec (CMQ) dans le dossier de l’appellation régionale était pertinente afin d’encadrer les consultations publiques qui ont porté sur cet important enjeu. Cependant, à l’instar du gouvernement québécois en 1981, dont la décision de nommer « Estrie » la région administrative 05 s’appuyait sur un avis favorable de la CTQ, le gouvernement doit aussi solliciter l’avis de cet organe issu de l’Administration publique et qui posséde toute l’expertise nécessaire à juger de l’intérêt ou non d’un tel changement toponymique. D’ailleurs, dans sa nouvelle Politique, la CTQ rappelle qu’elle est « (…) la seule instance compétente pour approuver le changement d’un nom de lieu officiel ».
« Dans une ville comme Sherbrooke, jamais les élu(e)s ne se penchent sur un enjeu lié à la toponymie sans que des citoyennes et des citoyens possédant une certaine expertise en la matière aient pu faire part de leurs recommandations au Conseil municipal, par l’entremise d’un comité de toponymie. Je ne peux pas imaginer que le gouvernement prendrait une décision dans le cas de la désignation officielle de notre région sans l’avis de la Commission de toponymie du Québec, dont la mission est justement d’éclairer le gouvernement sur ces enjeux. J’invite donc ce dernier à solliciter un tel avis », conclut la conseillère municipale sherbrookoise, Mme Letarte-Lavoie.