01 Août Harcèlement au travail et assurance-médicaments publique: deux cas où le Québec a été d’avant-garde
– une capsule de mémoire par Pierre Croteau –
Aujourd’hui, 29 juillet 2018, Jean Rochon est peut-être en train de célébrer son 80e anniversaire de naissance, discrètement avec sa famille.
Le Dr Jean Rochon a été député de Charlesbourg à l’Assemblée nationale de 1994 à 2003 et ministre de la Santé puis du Travail dans les gouvernements Parizeau, Bouchard et Landry
Il est exceptionnel que la popularité d’un homme politique québécois ne pâtisse pas de son passage à la tête du ministère de la Santé. Jean Rochon pouvait difficilement échapper à ce mauvais sort en étant le ministre du « virage ambulatoire » au moment où le gouvernement du Parti québécois tentait d’équilibrer le budget en comprimant les dépenses publiques.
L’héritage plus durable de Jean Rochon pourrait cependant être en partie englobé dans ce qu’on désigne parfois sous le nom de « modèle québécois ».
C’est à l’action de cet homme politique que le Québec doit d’être devenu en 1996-1997 la première province canadienne à instaurer un régime public d’assurance-médicaments pour couvrir la masse des personnes qui ne sont pas couvertes par un régime privé d’assurances-médicaments. Près de 22 ans plus tard, en juillet 2018, les gouvernements provinciaux discutent encore de la mise sur pied peut-être prochaine, dans le reste du Canada, d’un système similaire.
C’est aussi au Dr Rochon qu’on doit l’introduction, dans la Loi sur les normes du travail, en 2002, de dispositions contre le harcèlement psychologique au travail, ce qui englobe le harcèlement sexuel sans s’y référer explicitement. Avec ces dispositions, le Québec faisait œuvre de pionnier en Amérique du Nord. Les modifications de 2002 à la Loi sur les normes du travail furent adoptées à l’unanimité par l’Assemblée nationale du Québec.
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A mentionner aussi au bilan de Jean Rochon, parce qu’elle est tout à fait dans la logique du professeur de médecine sociale et préventive qu’il n’a jamais cessé d’être: la lutte planifiée et systématique contre le tabagisme.
Au milieu des années 1990, le Québec accusait un retard sur le reste du Canada dans sa lutte contre le tabagisme. On doit à Jean Rochon d’avoir, entre autres, rédigé et fait adopter en 1998 la Loi sur le tabac, qui avait notamment pour buts de mieux protéger les non-fumeurs et de dénormaliser le commerce d’un produit nocif pour la santé. Des mises à jour et renforcements de la loi de juin 1998 ont été adoptés en 2005 puis en 2015, à l’initiative de Philippe Couillard puis de Lucie Charlebois, ministres de gouvernements du Parti libéral du Québec. (La loi s’appelle désormais Loi concernant la lutte contre le tabagisme.) Les lois sur le tabac et le tabagisme ont toutes été adoptées à l’unanimité par l’Assemblée nationale.
L’adoption unanime d’une loi n’est pas, dans les parlements du monde entier, celui de Québec comme les autres, un phénomène aussi rare qu’on pourrait le croire à la lumière d’une couverture de presse qui fait trop souvent ressortir l’accrochage des personnalités, notamment lors de la « période des questions ».
Reste que dans les cas mentionnés ici, le jeu en valait la chandelle. On peut remarquer, par exemple, qu’entre 1999 et 2015, la proportion de fumeurs dans la population québécoise a chuté de moitié, et la baisse a été encore plus radicale parmi les adolescents. L’effort du gouvernement du Québec n’a pas été vain.