8 mars 2022 : Journée internationale de la femme

8 mars 2022 : Journée internationale de la femme

Nous sommes le 8 mars, journée internationale des femmes. Lorsque j’étais une jeune adulte, je n’étais pas certaine de voir l’intérêt d’une telle journée. Puis, il y a eu la marche mondiale des femmes de 2000. Avec ma maman, je suis allée marcher dans les rues de Montréal avec grande fierté. Aujourd’hui, 22 ans plus tard, je me demande : et maintenant?

En 2008, alors que j’étais enceinte de mon fils, mon premier et seul enfant, je me rappelle de m’être dit en apprenant que je portais un garçon : quelle chance de vivre sur un territoire ou le genre de mon enfant ne détermine en rien ses opportunités d’avenir. Aujourd’hui, 14 ans plus tard je me demande : et maintenant?

Élevée dans une famille monoparentale dirigée par une maman et considérée « à faible revenu » (statistiquement, car sachez que comme enfant et adolescente, je n’ai jamais eu cette impression), je suis un pur produit des politiques sociales progressistes du Québec : gratuité scolaire au primaire et au secondaire, démarchandisation des frais de scolarité aux études supérieures et régime de prêts et bourses tout le long de mon parcours universitaire. J’ai donc le privilège aujourd’hui d’être professeure agrégée et vice-doyenne dans une université québécoise. Je fais partie de cette minorité, en croissance, de diplômées féminines d’un Ph.D.

Aussi, depuis que je suis une professionnelle en fonction, j’ai continué de profiter des politiques sociales québécoises : services de santé en planification des naissances, soins de santé reliés à la grossesse et à la naissance de fiston, soutien financier pendant mes congés de maternité et congé parental, place à contribution réduite pour fiston au sein d’un Centre de la petite enfance, allocations familiales ajustées à ma réalité économique… et j’en oublie certainement. Ah oui! J’ai même obtenu une subvention de la ville de Sherbrooke pour l’achat de couches lavables à la naissance de mon fils.

Bref, si je suis très fière de mon parcours, je suis tout aussi consciente qu’il y a beaucoup « de la société québécoise » dans ma réussite. Il y a beaucoup de Québécois et de Québécoises qui ont payé des taxes et des impôts pour me permettre ces succès. Je ne l’oublie pas. Et je sais que je ne suis pas la seule dans ma situation. Chaque année, nombreuses sont les Québécoises qui, comme moi, reçoivent des services publics payés à même le budget de l’État, c’est-à-dire, le portefeuille des citoyennes et citoyens du Québec. Nous ne devons pas l’oublier.

Or, si cela va si bien au Québec quant aux opportunités sociales et professionnelles offertes aux femmes, pourquoi ai-je un sentiment de découragement quand je regarde les jeunes femmes entrer dans la vie adulte autour de moi? Pourquoi suis-je aujourd’hui à me demander : et maintenant?

Parce qu’aujourd’hui, les inégalités homme-femme ne sont pas disparues, même si elles ont clairement reculé au fil des décennies. On sait aujourd’hui que les femmes gagnent en moyenne des salaires moins élevés que les hommes, que les conséquences des changements climatiques sont plus néfastes pour les femmes, que les difficultés liées à la pandémie de coronavirus ont touché plus durement les femmes, que le mouvement moiaussi a révélé des situations d’agressions multiples chez les femmes et l’année 2021 a vu un nombre de féminicides confirmés alarmer les plus endurcies. Avons-nous fait fausse route tout ce temps?

Bien sûr que non! Si la situation des femmes au Québec est loin d’être parfaite, les gains acquis par et pour ces dernières au fil des années demeurent. Mais il reste encore du travail à accomplir pour offrir une égalité complète à nos filles : des relations professionnelles, amicales et amoureuses saines et constructives, de même qu’une vie de citoyenne pleine et entière. Nous avons fait ce choix de société il y a plusieurs décennies au Québec. Je crois sincèrement que ce fut le bon et je pense que c’est ce même choix qui nous permettra d’aller encore plus loin au cours des prochaines années. Fortes de nos acquis et de notre capacité à faire advenir un monde meilleur pour toutes.

Isabelle Lacroix
Professeure de sciences politiques à l’Université de Sherbrooke

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