09 Nov Journée mondiale de la science au service de la paix et du développement – Édition 2022
Journée mondiale de la science au service de la paix et du développement
La science au service de la démocratie
La paix et le développement vont souvent de pair avec les systèmes démocratiques. Que ce soit par les échanges commerciaux entre les pays, ce que Montesquieu appelait le « doux commerce », ou par des traités d’alliance et des ententes de non-ingérence, les démocraties comprennent habituellement assez rapidement qu’ils ont tout à gagner à favoriser la paix et le développement. Or la paix sociale au sein même des sociétés démocratiques ne doit pas être prise pour acquise. À plusieurs égards, certains s’inquiètent, à juste titre, de nouveaux phénomènes qui mettent à mal le dialogue démocratique. Heureusement, la science peut nous aider à comprendre ces phénomènes pour pouvoir y proposer des solutions.
Le système démocratique
À la base même d’un système démocratique, il y a l’idée que des opinions divergentes peuvent coexister et que des lieux d’échanges existent pour pouvoir discuter des enjeux qui concernent l’ensemble des citoyens. Les citoyens et leurs représentants peuvent débattre pour arriver soit à un consensus, soit à un vote pour que la position partagée par la majorité soit adoptée pour l’ensemble. Les règles étant claires et respectées par les tenants des différentes visions, la paix sociale est ainsi souvent garantie. Le système démocratique fonctionne donc bien en principe, mais plusieurs éléments peuvent l’amener à dérailler. Parmi ceux-ci, il y a l’impression que les différents points de vue ne peuvent pas être partagés ou débattus. Il y a également des interrogations sur la possibilité d’avoir un débat sain et équilibré. Ces impressions quant à un malfonctionnement du système amènent certains citoyens à utiliser des voies détournées, hors du système politique et des lieux d’échanges habituels, pour pouvoir exprimer leurs points de vue, notamment par le bais d’actes de vandalisme ou de méfait public. Cela peut également amener les citoyens à cesser de participer, en ne votant plus par exemple, ou encore de remettre carrément le système en cause. Enfin, le débat démocratique peut être mis à mal par des atteintes à la liberté d’expression ou encore par le fait de ne pas reconnaitre la validité de l’interlocuteur tout simplement parce qu’il ne partage pas le même point de vue. Tous ces phénomènes sont étudiés par la science.
Les médias
La plupart des citoyens n’ont pas accès directement à ce qui passe sur la scène politique, c’est pourquoi les médias jouent un rôle primordial au sein des systèmes démocratiques. Les médias permettent aux citoyens d’avoir accès à l’information nécessaire pour connaître les enjeux tout en leur donnant accès à des lieux d’échanges et de débats. L’accès aux médias est donc souvent un prérequis pour le bon fonctionnement d’un système démocratique. La science nous a toutefois permis de constater que cet accès n’est pas le même pour tous. Il y a d’abord tout l’enjeu de la qualité même de ce qui est produit par les médias. Certains médias continuent d’avoir de hauts standards de journalisme, mais le divertissement a pris beaucoup de place et la désinformation fait de plus en plus de ravages, notamment par le biais de régimes politiques extérieurs qui souhaitent nuire à la paix sociale. Ensuite, vient la diversité même de l’information. Si elle est souhaitable et encouragée, elle peut toutefois avoir des impacts négatifs qui mettent à mal la base du dialogue démocratique. Tout d’abord, parce que les citoyens ne consultent pas les mêmes sources d’information. Lorsque la majorité des citoyens consultaient les médias traditionnels, ils avaient accès aux mêmes informations, et ce, au même moment. Ils avaient donc à peu près la même base pour pouvoir discuter des enjeux. Maintenant, les citoyens s’informent de plus en plus sur Internet, ils n’ont pas accès aux mêmes informations, et sont souvent en décalage les uns par rapport aux autres. À cela s’ajoute le problème du temps qu’il faut pour traiter toutes ces informations. Les grands titres et les partages d’informations via les médias sociaux par le biais de personnes qui partagent nos intérêts sont souvent les rares bases que les gens vont avoir. Ce problème est amplifié par l’attention sélective. Ce phénomène, découvert dans les années 1980, révèle que les gens vont spontanément vers l’information qui va dans le même sens que leurs convictions. La diversité actuelle des sources d’information, jumelée aux algorithmes qui relaient des informations en lien avec celles déjà consultées, fait en sorte que les gens se retrouvent souvent avec de plus en plus d’informations qui les confortent dans leurs convictions et ne les amènent pas à être en contact avec des visions divergentes. C’est ce qu’on appelle le phénomène de la chambre d’écho. Ce phénomène est d’autant plus troublant qu’il amène les gens non seulement à se convaincre qu’ils ont raison, mais le corollaire est qu’ils croient que ceux qui ne pensent pas comme eux sont nécessairement fous ou désinformés. Les groupes se polarisent et l’échange entre eux devient impossible, puisque l’interlocuteur n’est pas « sensé » s’il pense le contraire. C’est donc la base du dialogue démocratique qui vole en éclats.
L’éducation
Si la science permet de comprendre les phénomènes, elle peut aussi être porteuse de solution. Plusieurs parlent d’éducation aux médias et de sensibilisation à la désinformation. Si ces pistes sont pertinentes et de plus en plus mises de l’avant, elles doivent toutefois être jumelées avec un élément essentiel pour la démocratie, et a fortiori la paix, soit le dialogue. Il est de plus en plus préconisé d’intervenir auprès des enfants pour leur inculquer des valeurs liées au dialogue et à la reconnaissance de l’autre comme égal. Beaucoup de choses ont été faites pour favoriser l’acceptation de l’autre dans ses différences physiques, sexuelles ou religieuses. Toutefois, la diversité d’opinion et l’importance de l’esprit critique n’ont pas été autant mises de l’avant. Cette avenue permettra aux futurs citoyens d’être plus ouverts aux points de vue divergents, de mieux comprendre et analyser les enjeux, et surtout, d’être en mesure d’échanger et de collaborer avec les autres afin d’assurer la paix.
Catherine Côté
Professeure agrégée à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke.