Publication des Insolences du Frère Untel – 1960

Quand Jean-Paul Desbiens, alias le Frère Untel, a publié en 1960 aux Éditions de l’Homme « Les Insolences du Frère Untel », il savait que son pamphlet sur la piètre qualité du français parlé au Québec ainsi que sur le système d’éducation allait susciter intérêt et… critiques. L’ouvrage s’est vendu à plus de 140 000 exemplaires ! Mais il ne se doutait pas que son ouvrage allait provoquer, l’année suivante, la création de l’Office québécois de la langue française et qu’il serait nommé, quatre ans plus tard, haut fonctionnaire du département de l’Instruction publique du Québec pour remodeler, entre autres, les programmes des écoles secondaires et œuvrer à la création du ministère de l’Éducation…

 

Rappel historique

Invité par l’éditorialiste André Laurendeau du journal Le Devoir à rédiger des commentaires sur la question de la qualité de la langue, Jean-Paul Desbiens a rédigé douze lettres mensuelles à partir de novembre 1959. Et comme le caractère « insolent » des propos de l’auteur n’allait pas plaire au clergé catholique et à son ordre religieux, les frères maristes, Laurendeau a tenu à protéger l’auteur en le surnommant « Frère Untel ». Mais l’anonymat ne résista pas au temps et son ordre religieux, offensé par ses propos, lui a même interdit d’assister au lancement de son livre! De plus, il est envoyé en Europe pendant trois ans pour y parfaire, selon ses supérieurs, ses études doctorales, mais c’était, bien entendu, pour le faire « oublier » pendant un certain temps… Mais qu’avaient de si insolents ses propos? Le Frère Untel, comme enseignant dans un collège d’Alma, avait constaté l’attrait du « joual » non seulement auprès de ses élèves, mais aussi auprès d’une grande majorité de la population qui avait été « instruite » selon lui, dans un système d’éducation désuet. Il souhaitait donc un remodelage complet du système d’éducation non plus axé sur les valeurs religieuses traditionnelles, mais sur celles, plus modernes, de la société laïque :

  1. Les enseignants devaient être mieux formés afin de relever les défis de la modernité.

  2. Les programmes d’études devaient être mieux adaptés à la réalité de cette deuxième moitié du 20e siècle.

  3. Les Canadiens-français ne devaient plus s’en remettre aveuglément aux préceptes des religieux…

 

Soulignons qu’une grande partie des enseignants étaient des frères, des sœurs et des prêtres, et les propos incendiaires du Frère Untel les ont profondément offensés. Ses propos ont toutefois trouvé écho auprès de la population, qui voyait en cet homme un hardi défenseur de la culture québécoise.

 

L’ouvrage est considéré comme étant l’un des déclencheurs de ce que nous appelons aujourd’hui la « Révolution tranquille », mise en place par l’équipe libérale de Jean Lesage en… 1960 et qui s’est inspirée de ce courant de changements provoqués entre autres, par les écrits du Frère Untel : « C’est le temps que ça change » affichait-on!

 

Luc Guay, Ph.D, didactique de l’histoire

Professeur retraité de l’Université de Sherbrooke

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3e trimestre 2020, Régime canadien