Adoption des 92 résolutions – 1834

1. Des changements inspirés des révolutions américaines et françaises
Dans la foulée des révolutions américaines et françaises, les Canadiens français acquièrent une conscience nationale et politique. L’Acte constitutionnel de 1791 qui créa la colonie du Bas-Canada, accordait aux Canadiens-français un certain rôle politique en leur permettant d’élire des députés pour les représenter dans une Assemblée législative. Mais le pouvoir de cette dernière était limité, l’autorité absolue restait entre les mains du gouverneur général et de ses conseils législatif et exécutif qui agissaient à leur guise. Graduellement se développa une lutte politique menée par le Parti patriote réclamant un gouvernement responsable. Mais les demandes d’une réforme du système politique étaient rejetées par le gouverneur et ses conseils. En conséquence, les Patriotes refusaient de lever des impôts, une stratégie de pression visant à empêcher le gouvernement colonial de payer les salaires des fonctionnaires et de financer les programmes de travaux publics.

 

2. Un chef inspirant : Louis-Joseph Papineau
Personnalité complexe et contradictoire, Louis-Joseph Papineau fut le premier leader politique efficace du Bas-Canada et émergea comme un symbole du mécontentement de la population francophone. En plus d’être le chef du Parti patriote, Papineau était président de l’Assemblée législative du Bas-Canada depuis 1815. Déjà en 1828, Papineau participa à la rédaction d’une première série de résolutions sur les griefs de la population du Bas-Canada. Afin de s’assurer que les revendications du Bas-Canada soient bien comprises par les parlementaires britanniques, le Parti patriote envoya une délégation à Londres pour déposer son mémoire auquel était jointe une pétition de 78 000 personnes.

 

3. Une liste de griefs envoyée à Londres
Entre-temps, la crise ne cessait de prendre de l’ampleur. Aussi, Louis-Joseph Papineau et Augustin-Norbert Morin rédigèrent conjointement 92 résolutions proposant d’importantes réformes politiques dans la gestion de la colonie. Cette liste de griefs fut présentée le 17 février 1834 et adoptée à large majorité (56-23) par l’Assemblée législative du Bas-Canada le 21 février. Dès après, envoyées à Londres, les résolutions exprimaient à la fois le mécontentement de la population canadienne-française, des électeurs irlandais et des réformistes anglophones des Cantons-de-l’Est.
Après avoir réaffirmé leur loyauté à la Couronne britannique, les résolutions détaillaient les frustrations ressenties par la population du Bas-Canada devant l’insensibilité et les injustices commises par le gouvernement colonial. Les résolutions décrivaient la longue lutte politique qui opposait l’Assemblée législative au gouverneur général et la Clique du Château qui entourait ce dernier. Cette opposition empêchait les Patriotes d’obtenir des réformes significatives pour corriger les abus et les injustices pourtant palpables. Aussi, les résolutions demandaient une division du pouvoir dans la colonie et l’établissement d’un gouvernement responsable devant l’Assemblée législative.

 

4. Le refus de Londres provoqua de longs conflits
Pendant trois ans, le gouvernement impérial fit la sourde oreille. Finalement, en 1837, Lord John Russell, ministre de l’Intérieur, publia 10 résolutions, connues comme les Résolutions Russell, dans lesquelles il rejeta toutes les demandes de l’Assemblée législative du Bas-Canada. Ce refus catégorique pava la voie à la rébellion à laquelle de nombreux patriotes entourant Papineau se mirent à militer ouvertement en faveur. En effet, certains Patriotes devinrent alors convaincus qu’une réforme constitutionnelle ne pouvait pas être réalisée de manière pacifique. Dès le printemps 1837, les partisans du Parti patriote se mobilisèrent dans toute la colonie en tenant de grandes assemblées publiques pour dénoncer les résolutions Russell. Ces assemblées furent déclarées illégales en juin par Lord Gosford qui déclara hors-la-loi 26 dirigeants du parti Patriote et ordonna à ses troupes de les capturer, provoquant les conflits armés qui s’ensuivirent.

 

Gilles Vandal, Ph.D
Professeur émérite de l’Université de Sherbrooke

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— 1er trimestre 2024, Régime britannique