- Une invasion américaine
Le 26 octobre 1813, 460 miliciens canadiens, commandés par le lieutenant-colonel Michel de Salaberry, arrêtèrent une armée américaine de 5 700 soldats dirigés par le major général Wade Hampton en provenance du Lac Champlain. La stratégie des forces américaines visait à s’emparer de Montréal dans une opération à grande échelle en coordination avec le général James Wilkinson qui remontait le St Laurent en provenance de l’Ontario avec une force de 8 000 soldats.
- Une invasion mal préparée
Toutefois, la force d’invasion américaine fut confrontée à une série d’embûches. Quelque 1 400 miliciens de New York refusèrent de traverser la frontière. Ainsi, au jour de la bataille, Hampton ne disposait que de 3 000 soldats. Par ailleurs, de nombreux officiers américains abandonnèrent leurs soldats pour se retrancher dans un terrain plus sécure. Décidément, la stratégie d’invasion américaine débutait mal.
- Michel de Salaberry, un officier de talent
Étant donné que les troupes britanniques étaient largement concentrées dans le Haut-Canada, il revint à de Salaberry, un officier canadien-français qui avait servi pendant de nombreuses années dans l’armée britannique, d’arrêter avec sa milice l’invasion américaine. Il plaça sa milice dans une position défensive dans les bois le long de la rivière de Châteauguay, à 24 kilomètres au sud de Montréal. Étant en forte infériorité numérique, les voltigeurs canadiens se retranchèrent dans des ouvrages défensifs extrêmement bien construits. Alors que Hampton et une brigade commandée par le général George Izard lançaient une attaque frontale contre les miliciens canadiens, une seconde brigade de 1 500 hommes dirigée par le colonel Robert Purdy devait contourner la position canadienne pour la prendre à revers.
Lors de l’affrontement, de Salaberry déjoua le plan stratégique américain en recourant aussi à la ruse en créant beaucoup de bruit pour semer la confusion parmi les troupes américaines et leur faire croire qu’ils étaient très nombreux. Comme les troupes américaines tentèrent de contourner la milice canadienne, celle-ci répondit avec des volées intenses et répétées de feu dévastateur. Cette forte résistance sema la déroute au sein des troupes américaines qui crurent alors qu’elles étaient confrontées à une énorme troupe britannique.
- L’armée américaine en déroute
Dans la confusion et la panique qui s’ensuivit, de nombreux soldats américains abandonnèrent leurs armes et leur équipement pour s’enfuir. Hampton ordonna alors une retraite. Les troupes avaient clairement manqué de coordination et de leadership sur le plan stratégique. Si le plan semblait très bon sur la carte, il s’avéra un désastre dans son exécution. La retraite se transforma en déroute, alors que les troupes américaines furent poursuivies par des guerriers iroquois.
- Une victoire canadienne due aux miliciens Canadiens-français
La bataille de Châteauguay n’a été en fait qu’une escarmouche, lorsque comparée aux autres batailles de la guerre de 1812. Alors que les troupes américaines subirent 23 tués, 33 blessés et 29 soldats disparus, les miliciens canadiens n’eurent que deux tués, 16 blessés et quatre disparus. Néanmoins, cette escarmouche qui dura plusieurs heures eut une forte incidence dans la campagne militaire de 1813 en forçant les forces américaines à abandonner son projet d’attaque sur Montréal. De Salaberry eut recours à une stratégie intelligente en disposant habilement ses troupes pour vaincre les Américains. Ses miliciens, dont 90% étaient francophones, sauvèrent ainsi par leur brio la province d’une invasion qui semblait inéluctable. Toutefois, le major-général de Watteville et le gouverneur Sir George Prevost qui sont arrivés sur-le-champ de bataille après la fin des combats revendiquèrent pour eux la victoire dans leurs dépêches. Néanmoins, le revers américain était significatif. Cette escarmouche suscita ensuite une immense fierté au sein de la population canadienne et joua un rôle majeur dans le renforcement du nationalisme canadien naissant.
Gilles Vandal, Ph. D. en histoire
Professeur émérite de l’Université de Sherbrooke