Création du ministère de l’Éducation – 1964

Les élections de juin 1960 ont amené un souffle de changements au Québec et ce, à bien des niveaux. La modernisation du Québec était à l’ordre du jour après les 16 années occupées par le parti de l’Union Nationale de Maurice Duplessis. Le slogan électoral de Jean Lesage, chef du parti Libéral, en disait long : «C’est le temps qu’ça change!» Et des changements, il y en a eus, et la création du Ministère de l’Éducation a été le fer de lance de ce que nous appelons La Révolution Tranquille.

1. Modernisation et démocratisation du système de l’éducation
Jusque dans les années 1960, seulement 2% de la population francophone se targuait d’avoir terminé sa 12e année de scolarité! 2%! Et cela, même si en 1943 le Premier Ministre Adélard Godbout avait réussi à faire voter une loi portant sur la fréquentation scolaire obligatoire pour tous les enfants âgés de de 14 ans et moins… C’est pour améliorer l’accessibilité, la modernisation et la démocratisation de l’éducation que le ministre Paul Gérin-Lajoie met en place, dès 1961, la Commission Parent (du nom de Mgr Parent qui en fut le responsable). La mission qui lui avait été confiée visait à améliorer l’accès à une éducation de qualité et…gratuite : tout un défi à relever quand l’on sait que jusqu’alors, l’éducation était gérée depuis…toujours, par l’Église qui n’était pas reconnue pour la qualité de ses interventions pédagogiques. Soulignons aussi, que l’éducation était le dernier souci de la grande majorité de la population qui peinait à joindre les deux bouts en raison des faibles salaires des ouvriers et de ceux des cultivateurs qui avaient grand besoin de la main d’oeuvre de leurs enfants pour effectuer tous les travaux qu’exigeaient les corvées…

2. Un rapport révolutionnaire pour l’époque
Le rapport que rédigea Mgr Parent (le Rapport Parent), comportait une multitude de recommandations dont celle de créer un Ministère de l’Éducation qui relèverait de l’État et qui se « détacherait » de l’emprise du clergé qui trônait au Département de l’Instruction publique : quels défis et quelles polémiques durent s’attaquer députés et ministres du parti Libéral. C’est pourquoi fallut-il que Paul Gérin-Lajoie, le maître d’œuvre du futur ministère, parte avec son bâton de pèlerins pour justifier ce changement de cap : le ministère ne fut créé qu’en mai 1964. Il a fallu convaincre le clergé et les électeurs de l’importance de séparer le politique du religieux en ces temps de modernisation des rouages de l’État. Quant au clergé, il voyait grandir sa perte d’influence dans cette société en mutation : le slogan de la campagne électorale prenait tout son sens avec son «C’est le temps qu’ça change!»! Ainsi, les élèves devaient-ils, dorénavant et obligatoirement fréquenter l’école jusqu’à l’âge de 15 ans, et les manuels et l’accès aux écoles devaient être offerts gratuitement.

3. Au-delà de la partisanerie
Le seul espoir du clergé était de voir le parti de l’Union Nationale remporter les prochaines élections convoquées pour 1966, puisque le parti avait promis de ne pas avaliser toutes ces réformes : soulignons que le clergé avait un « penchant » historique (« le Ciel est Bleu et l’Enfer est Rouge ») pour les Conservateurs (dont faisaient partie la majorité des membres de l’Union Nationale) et espérait un juste retour de leur influence auprès de leurs fidèles. La reprise du pouvoir par l’Union nationale à l’élection de juin 1966 ne fut toutefois pas marquée par le retrait du projet du Ministère de l’Éducation, bien au contraire. Le nouveau ministre de l’Éducation, Jean-Jacques Bertrand, bien appuyé du Premier ministre Daniel Johnson, poursuivit la mission de modernisation et de démocratisation du système d’éducation en retenant certaines recommandations du Rapport Parent quant à la création des CEGEPS et de l’UQAM. Le slogan de Johnson était : « Québec d’abord », rétorquant à celui de Jean Lesage avec son « Maîtres chez-nous » et s’attirant les électeurs nationalistes, avec son essai intitulé « Égalité ou indépendance ».

 

Luc Guay, Ph.D
Professeur retraité de l’Université de Sherbrooke

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— 2e trimestre 2024, Régime canadien