Née à Montréal en 1871, Éva Circé est reconnue non seulement pour la qualité de sa plume mais aussi pour son engagement citoyen dans la promotion du féminisme et d’un système d’éducation émancipé de l’emprise du clergé catholique.
1. Une chroniqueuse très engagée
Très jeune, Éva Circé-Côté se démarque par la qualité de sa plume : en effet, elle reçoit à la fin de ses études secondaires, le prix du gouverneur-général (Lord Stanley), soit la médaille de bronze en littérature. Chroniqueuse dans plusieurs revues et journaux, elle ne craint pas de publier des textes engagés se portant à la défense des droits des démunis, de l’émancipation des femmes, du droit de vote des femmes, bref, à combattre toute forme d’injustice. Elle collabora à des dizaines de journaux et revues dont le journal sherbrookois, « Le Pionnier ».
2. Un poste de bibliothécaire qui répond à sa mission
En 1903 elle est nommée la première bibliothécaire de la bibliothèque technique de Montréal, occupant les locaux du Monument National de la Société Saint-Jean-Baptiste. Désirant acquérir l’achat d’oeuvres littéraires québécoises ainsi que des ouvrages techniques qui permettent aux travailleurs de développer des compétences au lieu de ne s’en tenir qu’aux ouvrages de divertissement, Éva Circé-Côté se mérita bien des remontrances de la part du clergé durant sa carrière de bibliothécaire qu’elle occupa jusqu’en 1932. Elle fut d’ailleurs congédiée à cause de ses idées jugées trop avant-gardistes par le directeur nouvellement engagé aux idées plutôt conservatrices aux dires d’Éva Circé-Côté.
3. Une chroniqueuse prolifique
Ainsi, pendant 42 ans, elle rédige pas moins de 1800 chroniques ainsi qu’une soixantaine de poèmes sous les pseudonymes de « Colombine » et de « Musette ». Elle participe même à la fondation de l’Association des femmes journalistes canadiennes-françaises en 1904 aux côtés d’une autre grande militante féministe et écrivaine, Robertine Barry. Elle a aussi côtoyé un autre monument de la littérature québécoise, soit Émile Nelligan qui a collaboré au journal qu’elle fonda en 1909, sous le nom de « l’Étincelle ».
4. La promotion d’une école supérieure pour jeunes filles
Elle fonda en 1908 une école pour jeunes filles afin que ces dernières puissent accéder à un enseignement dit supérieur dans laquelle elle faisait la promotion de la laïcisation de l’instruction publique. L’école fermera toutefois ses portes en 1910, mais elle aura sûrement contribué à l’implantation d’une école d’enseignement supérieur pour filles puisque monseigneur Bruchési voyant en elle une compétitrice, accorda en 1908 aux religieuses de la Congrégation Notre-Dame de la mettre sur pied.
5. Une anti-conformiste
Mariée au docteur Pierre-Salomon Côté en 1905, celui-ci décède en 1909, et voilà qu’Éva Circé-Côté s’attire encore les foudres du clergé catholique et des personnalités conservatrices de l’époque en faisant incinérer les cendres de son mari (comme il le souhaitait) contrairement aux us et coutumes de l’époque qui préconisaient l’inhumation dans un cimetière catholique.
Ses écrits se radicalisent un peu plus à partir de 1910 alors qu’elle collabore au journal « Le Pays » et le « Monde ouvrier » profitant de sa tribune pour énoncer ses idées se rapportant à un système d’éducation plus ouvert et dénonçant la corruption.
6. Une patriote assumée
Parmi ses nombreux écrits, elle rédigea une pièce de théâtre sous le titre « Hindelang et De Lorimier », rappelant les actions de ces deux militants Patriotes lors des événements de 1837-1838 : malheureusement, nous n’avons de cette pièce que les comptes-rendus des journaux de l’époque. Le sujet lui paraissait tellement important, qu’elle publia un essai de 250 pages portant sur « Papineau. Son influence sur la pensée canadienne ». En 1940, elle applaudit la loi québécoise qui accorde le droit de vote aux femmes, au grand dam du clergé et des personnalités conservatrices de son époque.
À son décès le 4 mai 1949, son appartement de Montréal est nettoyé et ses papiers personnels, détruits.
Retenons de ce personnage haut en couleur, sa fougue et son engagement citoyen qui ont permis des avancées tant dans les domaines de l’éducation que de la culture et du féminisme.
Luc Guay
Professeur retraité de l’Université de Sherbrooke