1. Un discours électrochoc!
Ah! Ce 24 juillet 1967! Du haut du balcon de l’hôtel de ville de Montréal, le Président de la République française, le général Charles de Gaulle, lança son fameux « Vive le Québec libre »! non seulement aux quelques 15 000 personnes venues l’entendre, mais aussi à des millions d’autres, grâce aux médias qui avaient relayé le discours. Et ce discours provoqua une véritable onde de choc tant chez les sympathisant·es de l’idée d’indépendance du Québec que chez les fédéralistes, qui n’en revenaient pas que de tels propos soient prononcés par un chef d’État étranger. Voyons cela de plus près.
2. Un Québec en pleine modernité
Depuis 1960, sous l’impulsion du gouvernement libéral de Jean Lesage, le Québec s’était doté d’une politique de modernisation non seulement de l’État, mais aussi de ses structures socio-économiques et culturelles. Ajoutons à cela la publication en 1965 du manifeste politique du chef de l’Opposition à Québec, Daniel Johnson, qui s’intitule : « Égalité ou Indépendance ». Le Québec vivait alors sa Révolution tranquille et son affirmation comme nation. En 1966, Daniel Johnson devint premier ministre et Jean Drapeau, le maire de Montréal, mettait la dernière main à la mise en place de l’Expo 67, dont l’inauguration était prévue le 28 avril 1967 et qui devait être le point d’orgue des célébrations du centenaire de la Confédération canadienne.
Le général de Gaulle avait été invité par le premier ministre du Québec, Daniel Johnson, afin d’attirer l’attention du monde entier sur l’exposition universelle, qui illustrait non seulement les prouesses technologiques des 62 pays qui y participaient, mais aussi celles du Québec. Depuis le 28 avril, l’Expo 67 attirait déjà des millions de personnes provenant de partout dans le monde, et il en est venu 50 millions sur le site montréalais!
3. Un discours reconnaissant la spécificité du Québec
Le général de Gaulle fut reçu non seulement avec tous les honneurs consentis à un chef d’État, mais aussi comme le grand frère qui rentrait au pays. Imaginons le cortège qui conduisit le Président français, de Québec à Montréal, sur le fameux Chemin du Roy, inauguré, soulignons-le, sous l’administration du roi Louis XV… Une foule enthousiaste acclama le général tout au long de ce parcours de 250 km, et lorsqu’il se présenta au balcon de l’hôtel de ville de Montréal, la foule en liesse l’acclama à tout rompre, comme la foule parisienne l’avait fait en ce 25 août 1944 au balcon de l’hôtel de ville de Paris. Tout le monde s’attendait à une déclaration de forte amitié entre le peuple français et celui du Québec.
Mais quatre mots vont gêner la classe politique tant montréalaise que canadienne. Quatre mots qui résonnèrent fortement et qui résonnent encore. Quatre mots qui ont résonné dans le cœur de plusieurs politicien·nes, qui, à l’instar de René Lévesque, vont former quelques mois plus tard un parti indépendantiste, le Parti Québécois.
Des analystes politiques ont supputé sur ce discours du général de Gaulle, arguant que ce dernier, pris par l’émotion, avait improvisé cette déclaration jugée intempestive. Toutefois, le général déclara que tout avait été prémédité et qu’il souhaitait hâter l’idée d’indépendance du Québec par son allocution. La consternation des politicien·nes canadien·nes se changea en protestations diplomatiques, gênant pour un temps les relations entre les deux pays, mais rapprochant d’autant la France et le Québec.
Luc Guay, Ph.D
Professeur retraité de l’Université de Sherbrooke