1. Une pionnière de la Ruée vers l’or
Quand nous pensons à l’exode des Québécoises et Québécois aux États-Unis entre 1870 et 1930, l’image des filatures de la Nouvelle-Angleterre s’impose spontanément. Pourtant, ce ne fut pas leur seule destination. On oublie souvent, par exemple, que des milliers d’entre eux prirent la route du Yukon à la fin du XIXe siècle, attirés par les gisements aurifères identifiés à proximité de la rivière Klondike.
L’entreprise, qui commande de l’ambition, est essentiellement une affaire d’hommes. Mais elle ne rebute pas Émilie Fortin-Tremblay. En effet, cette jeune femme née dans la région du Lac-Saint-Jean, en janvier 1872, entreprend l’aventure avec son mari, un chercheur d’or du nom de Pierre Nolasque « Jack » Tremblay, qu’elle a rencontré dans l’État de New York, où ils vivent. Ensemble, ils se rendent au Yukon en 1893 pour leur voyage de noces, une petite balade estimée à 8000 km.
On dit qu’à ce moment, peu ou pas de femmes blanches se seraient aventurées à franchir le Chilkoot. Ce col abrupt et dangereux culmine à plus de 1000 mètres. Il constitue un passage obligé pour le jeune couple qui s’établit à Miller Creek, lieu essentiellement fréquenté par des mineurs.
2. Une femme engagée dans son milieu
La jeune Émilie n’impressionne pas que par son courage physique. Elle s’implique dans la communauté de multiples façons, notamment comme sage-femme et infirmière. Elle accorde également l’hospitalité aux missionnaires et se fait connaître pour son dynamisme et son engagement à une époque où une nouvelle ruée vers l’or, qui s’étend de 1896 à 1899, attire des milliers de personnes au Yukon.
Rien ne semble arrêter les Tremblay qui, en 1906, traversent même l’Atlantique pour découvrir les « vieux pays ». De retour au Yukon, Émilie se lance dans les affaires, ouvrant en 1913, à Dawson, alors la capitale, un magasin général portant son nom (Mme Tremblay’s Store). Sa présence féminine n’est évidemment plus aussi singulière, mais sa notoriété en fait une des personnalités les plus connues de l’endroit. De fait, son oeuvre est récompensée par de nombreux titres, dont la médaille commémorative du couronnement du roi George VI, en 1937.
Après la mort de son mari, en 1935, Émilie épouse Louis Lagrois, et vend son magasin, pour enfin partir pour la Colombie-Britannique en 1940.
3. Des hommages bien mérités
Elle quitte le Yukon, mais celui-ci se souviendra d’elle. Aux nombreux hommages rendus de son vivant, se greffe peut-être le plus beau, celui de donner son nom à la première école francophone du Yukon, à Whitehorse. Il survient en 1984, 35 ans après le décès d’Émilie Fortin-Tremblay, survenu le 22 avril 1949, à Victoria. L’esprit pionnier associé à son nom est également immortalisé par la reconnaissance fédérale accordée au Mme Tremblay’s Store en 1989, toujours debout à Dawson, au coin de la 3e avenue et la rue King.
Serge Gaudreau
Historien, École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke