Fondation de la Compagnie de la Baie d’Hudson – 1670

La compagnie de la Baie d’Hudson a fêté en 2025 son 355ième anniversaire. Fondée en 1670 par  Médard Chouart des Groseilliers et Pierre-Esprit Radisson, deux franco-canadiens, cette compagnie fut à l’épicentre de l’expansion de l’empire britannique. En un peu plus d’un siècle, cette compagnie connut rapidement une expansion phénoménale qui lui permit de posséder un territoire de 8 millions kms carrés, soit plus du tiers de la superficie du continent nord-américain, situé au Canada et dans le nord-ouest des États-Unis. Or, ce vaste territoire était essentiellement habité par des peuples autochtones.

  1. Rôle crucial de Radisson et Ges Groseilliers                                                                                                                                       

Au 17e siècle, la traite des fourrures représentait avec la pêche sur les bancs de Terre-Neuve, une activité commerciale majeure en Amérique du Nord. Or, deux beaux-frères, Radisson et des Groseilliers, étaient deux explorateurs français qui s’étaient établis en Nouvelle-France au début des années 1650 et ils avaient déjà largement exploré l’Ontario. En 1660, lors de leur retour dans la région du Lac Supérieur avec un large butin de fourrures, le gouverneur d’Argenson les fit emprisonner sous prétexte qu’ils avoient entrepris un nouveau voyage dans cette région lointaine sans sa permission. Furieux du traitement qu’ils avaient subi, et une fois libérés de prison, se rendirent en Nouvelle-Angleterre où un représentant britannique les incita à se rendre à Londres. 

  1. Obtention d’une charte anglaise

Arrivés à Londres en 1665, ils obtinrent grâce au Prince Rupert, cousin du roi Charles II, une audience auprès du roi.  Ils lui exposèrent leur projet de créer une compagnie britannique afin d’exploiter les vastes ressources en castor de la région de la Baie d’Hudson. Ne reconnaissant pas la souveraineté autochtone, Charles II octroya le 2 mai 1670 une charte à un groupe de marchands et nobles britanniques, créant ainsi la compagnie de la Baie d’Hudson(CBH). Ce faisant, la CBH se vit octroyer un monopole exclusif de commerce sur plus de 1,5 million de kms carrés de terres entourant la Baie d’Hudson. 

  1. Traite des fourrures

La CBH voulant répondre à la demande européenne des chapeaux de feutres,  maximisa les méthodes de chasse par piégeages des populations autochtones. Ainsi, tout l’ouest canadien et une partie du nord-ouest américain vit apparaître des cabanes et des chalets servant de postes de traite. Rapidement, les fusils et les couvertures de laine de fabrication anglaise devinrent les produits d’échange les plus populaires de la compagnie contre les peaux de castor.  Le succès de la CBH résida dans la combinaison d’intérêts différents, mais complémentaires: les demandes des consommateurs européens, l’esprit d’aventures des employés servant  dans les postes de traite comme intermédiaires, les aspirations des marchands britanniques, les talents des trappeurs autochtones et les besoins des populations amérindiennes et inuites. 

  1. Une rapide expansion

Les premières années de la CBH ne furent pas aisées. Les Français revendiquaient aussi la possession des terres autour de la Baie d’Hudson. Des affrontements navals et terrestres survinrent dans les baies d’Hudson et James. Mais finalement, grâce au traité d’Utrecht en 1713, la CBH put étendre ses activités dans cette région. En 1763, avec le traité de Paris, la menace française était éliminée. La CBH vit une opportunité unique pour élargir ses opérations dans le vaste territoire de l’ouest canadien et américain. Toutefois, un adversaire inattendu se pointa. Des marchands britanniques de Montréal formèrent en 1774 la compagnie du Nord-Ouest et développèrent rapidement une intense compétition qui dura 40 ans. Finalement, une fusion des deux compagnies survint en 1821.

  1. Rôle dans l’édification d’un pays

La CBH a aussi contribué à édifier le Canada, en explorant de vastes territoires et en cartographiant plus de la moitié du pays. Cependant le gouvernement britannique força à partir de 1850 la CBH à se défaire graduellement de ses responsabilités coloniales dans ces régions. La formation de la Confédération canadienne allait ainsi pouvoir graduellement annexer ces territoires en dépit de la résistance de la CBH. À la suite de négociations ardues, le gouvernement canadien acquis la Terre de Rupert en 1870.

  1. Virage vers le commerce de détail

Entre-temps, l’International Financial Society acquit en 1863 une participation majoritaire dans la CBH. Les nouveaux actionnaires de la CBH étaient déterminés à donner une nouvelle orientation à la compagnie. Ainsi, de la traite des fourrures comme principale activité, la CBH se tourna vers la spéculation immobilière et le commerce de détail.  À partir de 1913, la CBH construisit ses premiers grands magasins. Ces derniers devinrent ensuite la principale activité de la compagnie, alors que la CBH ouvrait de grands magasins en 1960 en Ontario et au Québec. 

En moins de trois siècles, la CBH a façonné l’histoire canadienne. Reconnaissant cet apport, la reine Élisabeth II souligna le tricentenaire de la CBH en révoquant sa charte originale et en transférant la compagnie au Canada avec une nouvelle charte qui fixait son siège social à Winnipeg. Néanmoins, la CBH s’avéra incapable de survivre à l’arrivée du commerce numérique. Elle est arrivée en 2025 à ses derniers balbutiements.

 

 

Gilles Vandal, Ph.D
Professeur émérite de l’Université de Sherbrooke

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4e trimestre 2024, Régime britannique