Bien que la Société Saint-Jean-Baptiste fût officiellement fondée qu’en 1843, son origine remonte à une réunion préliminaire organisée à Montréal en mars 1834 par Ludger Duvernay, le rédacteur en chef du journal La Minerve.
- Une association patriotique
Créée dans un contexte politique tendu entourant l’adoption des 92 Résolutions, cette première association patriotique canadienne française en Amérique du Nord désirait d’abord doter les Canadiens d’une fête nationale distincte. En conséquence, la Société organisa le 24 juin 1834, fête de la Saint-Jean-Baptiste, un banquet où 60 dirigeants des communautés francophones et anglophones furent invités. Cette célébration à caractère politique fut présidée par Jacques Viger, le maire de Montréal. Le fait que, lors du banquet, les différents participants furent invités à porter un toast en soutien aux 92 résolutions montrait comment la nouvelle société devenait presqu’immédiatement la voix du Parti patriote.
- Une association récupérée par le clergé
Dans la foulée des rébellions de 1837-1838, la SSJB cessa toute activité. Néanmoins, l’idée de doter les Canadiens français d’une fête nationale persista. L’Église catholique, sous l’égide de Mgr Ignace Bourget, devenu évêque de Montréal en 1840, relança le mouvement. Sous son impulsion, le clergé catholique allait utiliser la création d’une société Saint-Jean-Baptiste comme tremplin pour transformer les canadiens français en une “nation morale” modèle basée sur les valeurs de l’entre-aide et de la tempérance au sein d’une Amérique anglo-protestante.
- Une association qui prend racine aussi hors Québec
C’est dans cette dynamique que des SSJB furent officiellement fondées à Québec en 1842 et à Montréal en 1843. Mais dans la foulée des vagues migratoires des Canadiens français hors Québec et afin de renforcer les liens entre francophones en situation minoritaire, des SSJB voient aussi le jour à New York en 1850, à Ottawa en 1852, à Détroit en 1864, à Saint-Boniface en 1871, à Calgary en 1888 et à Edmonton en 1894. Dans toute l’Amérique du Nord voient le jour alors des branches paroissiales et diocésaines des SSJB dans lesquelles la ferveur catholique joue un rôle prépondérant et où foi et langue représentent deux éléments indissociables.
- Une association protectrice des intérêts des francophones
Poursuivant l’objectif d’assurer l’unité de la « famille canadienne-française », la SSJB organise à partir de 1874 de grands congrès patriotiques qui attirent des délégués dans tout le Canada. Par exemple, en 1874, 400 délégués débattent de questions touchant l’éducation, la colonisation et l’immigration. La SSJB se veut alors une organisation enracinée dans la dynamique patriotique et attentive aux problèmes confrontant quotidiennement les Canadiens français. En plus de porter haut les symboles nationaux de la feuille d’érable et du castor, ses délégués entonnent au Congrès de Québec de 1888 pour la première fois le « Ô Canada ».
En plus de superviser les fêtes annuelles de la Saint-Jean-Baptiste, la SSJB contribue à défendre la langue française et les droits des francophones au Canada, que cela soit lors de l’Affaire Riel ou de la question des écoles en Ontario (Règlement 17). Elle promeut également l’érection de monuments historiques pour souligner les héros canadiens français. Par ailleurs, avant même Alphonse Desjardins, la SSJB joue un rôle crucial dans la création de la Caisse nationale d’économie en 1899. Il faudra cependant attendre la révolution tranquille pour voir certaines SSJB québécoises locales prendre une tangeante en faveur de l’indépendance du Québec, rompant ainsi avec les SSJB du reste du Canada.
Gilles Vandal, Ph.D
Professeur émérite de l’Université de Sherbrooke