Octroi du gouvernement responsable au Bas-Canada : 1848
Si le développement de gouvernements représentatifs remonte dans les premières années des différentes colonies britanniques au Canada, ces gouvernements coloniaux n’étaient pas responsables devant leur population, mais devant les représentants de la couronne britannique qui gouvernaient les colonies en s’associant à l’influence prédominante de petites élites locales. C’est dans cet esprit que la demande pour avoir un gouvernement responsable qui dépende du soutien d’une assemblée élue est apparue dans les différentes colonies britanniques au Canada durant les années 1830. En somme, cela signifiait que le pouvoir exécutif gouvernant une colonie puisse dépendre des votes d’une majorité de l’assemblée. Dans les processus de l’adoption de lois et de lever des impôts, un gouvernement responsable a besoin d’obtenir la confiance du parlement. En ce sens, l’obtention du principe du gouvernement responsable conduisait inéluctablement à l’indépendance du Canada.
1. Un gouvernement responsable pour éviter une révolution à l’américaine…
Les abus de pouvoir des gouverneurs britanniques provoquèrent d’importants troubles politiques et sociaux, principalement dans les colonies du Haut-Canada et du Bas-Canada. Les autorités britanniques ne voulurent pas être confrontées à un mouvement insurrectionnel similaire à celui qui conduisit à l’indépendance américaine 70 ans plus tôt. Aussi, elles développèrent une stratégie astucieuse pour éviter une révolution à l’américaine et assurer le maintien des colonies au sein de l’Empire britannique. Avec l’octroi du gouvernement responsable, les populations des différentes colonies britanniques obtinrent entre 1848 et 1855 le pouvoir de contrôler leurs propres politiques internes.
2. L’obtention d’un gouvernement responsable pour le Bas-Canada cause problème…
Si dans les colonies du Haut-Canada, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l’île du Prince Édouard et de Terre-Neuve, le principe du gouvernement responsable pouvait être réalisé sans trop de problèmes, c’est que les populations de ces colonies étaient largement d’origine britannique. Mais cela allait différemment dans le Bas-Canada où les 510 000 Canadiens français représentaient 76% des 670 000 habitants de la colonie. Octroyer un gouvernement responsable au Bas-Canada signifiait donc que la population francophone allait contrôler la colonie. Cela était inconcevable pour les colons anglais et les autorités britanniques.
3. L’Union du Haut et du Bas-Canada : voilà la solution britannique au problème
Mais cette question trouva sa solution dans le Rapport Durham qui proposa une union des colonies du Bas-Canada avec le Haut-Canada avec l’Acte de l’Union de 1840. Ce faisant, les Canadiens français devinrent minoritaires avec seulement 46% de la population du Canada. Plus encore, leur représentation au sein de l’Assemblée législative du Canada fut réduite à moins de 40%, étant donné que 42 députés furent octroyés à chacune des deux anciennes colonies constituant la nouvelle union. La table était donc mise pour l’octroi d’un gouvernement responsable dans la colonie du Canada.
4. L’union des partis réformistes mène à l’obtention d’un gouvernement responsable
Néanmoins, il fallait composer avec les différences linguistiques, religieuses et culturelles des populations composant la nouvelle colonie. C’est à cette tâche qu’un groupe des réformateurs anglophones et francophones dirigés par Robert Baldwin et Louis-Hippolyte Lafontaine s’attelèrent entre 1840 et 1848. Ces deux grands dirigeants unirent leur force avec comme objectif final d’obtenir un gouvernement responsable. Leur parti remporta une solide majorité lors des élections de 1848. En accord avec le ministère des colonies à Londres, le gouverneur général Lord Elgin demanda aux deux dirigeants du parti réformiste de former un gouvernement tout en endossant le principe du gouvernement responsable.
Gilles Vandal
Ph. D. en histoire
Professeur émérite de l’Université de Sherbrooke