Début de la grève d’Asbestos – 1949

Maurice Le Noblet Duplessis a été Premier ministre du Québec de 1936 à 1939, puis de 1944 à sa mort en 1959, et ne laisse personne indifférent : on l’aime ou on le déteste! Mais pourquoi donc? La « gauche », les socialistes, les syndiqués, les intellectuels l’accusaient de ne rien faire pour rehausser le niveau de vie des habitants de la province : les salaires étaient plus bas que ceux de l’Ontario et il s’affichait contre les syndiqués au profit des grandes compagnies. Plusieurs auteurs considèrent son « règne » comme celui de la « Grande Noirceur ». La grève d’Asbestos en est une illustration. Rappelons les faits.

 

1. Les mineurs sous payés
En 1949, les mineurs de la mine d’amiante, la Johns-Manville, réclamèrent des augmentations de salaire à raison de 0,15$ de l’heure (leur salaire se situait à 1,10$ en 1949); ils réclamaient aussi d’être payés en « temps-double » lors des jours fériés et le dimanche, ainsi qu’une meilleure protection contre la poussière d’amiante, qui, comme nous le savons, provoque des maladies incurables comme le cancer. Soulignons que la ville d’Asbestos (aujourd’hui appelée Val-des-Sources), était la plus grande productrice d’amiante au monde.

 

2. Un Premier ministre contre les grévistes
Maurice Duplessis avait associé les syndicalistes aux « socialistes » et aux « communistes » qu’il détestait : il fallait à tout prix les mâter. Comme toujours, il demanda l’aide du clergé catholique pour remettre les « brebis » égarées sur le bon chemin : certains prêtres se prêtèrent à ce jeu, mais il y en eut d’autres, qui au contraire, ont appuyé les revendications des syndiqués et recueillirent des fonds pour les aider. Même l’archevêque de Montréal, monseigneur Charbonneau, avait pris partie pour les syndiqués, ce qui lui valut d’être « déplacé » en Colombie-Britannique dès l’année suivante…(Il faut absolument relire la pièce de théâtre « Charbonneau et le Chef »).
La grève dura cinq mois, ce qui agaça la compagnie qui, avec le consentement de Duplessis, engagea des « briseurs de grève » suscitant la colère et l’indignation d’une grande partie de la population et des 5000 mineurs. Duplessis dut réquisitionner 400 agents de la Police Provinciale pour mâter les grévistes, ce qui fut fait durement; ces derniers répliquèrent en lançant des pierres aux agents de l’ordre qui en ont profité pour arrêter 180 mineurs lors d’une réunion syndicale.

 

3. Des appuis de la population et des intellectuels envers les grévistes
Des intellectuels comme les journalistes Pierre Elliott Trudeau et Gérard Pelletier, ainsi que le secrétaire de la Confédération des Travailleurs Catholiques du Canada, Jean Marchand, ont défendu becs et ongles, la position des syndiqués. Trudeau fut même emprisonné pour ses propos pro-syndicaux et anti-duplessiste. (Et l’on connaît la suite de leurs prises de position : ils formeront, à la fin des années 1960 une sorte de triumvirat, Trudeau devenant Premier Ministre du Canada, et ses deux comparses, des Ministres).

 

4. Bilan de la grève
Le salaire des mineurs n’augmenta que de 0,05 $ de l’heure (au lieu des 0,15$ demandés) et rien ne fut décidé quant aux effets nocifs de la poussière d’amiante.
Ce long arrêt de travail engendra des conflits entre certains citoyens de la municipalité qui durèrent des décennies, marquant le paysage socio-politique d’Asbestos et des environs. Certains historiens prétendent même que cette grève fut le prélude de la fameuse « Révolution Tranquille » amorcée au début des années 1960.
Enfin, Vincent Vallières a composé une belle chanson sur cette thématique de la grève d’Asbestos et des difficultés rencontrées par ces grévistes de 1949, et intitulée « Asbestos »…

 

Luc Guay, Ph.D
Professeur retraité de l’Université de Sherbrooke

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— 1er trimestre 2024, Régime canadien