Incendie du Parlement à Montréal – 1849

L’incendie du Parlement à Montréal : 1849

Dans la foulée des révoltes de 1837-1838 et du rapport Durham, le gouvernement britannique procéda à la réunification des Haut et Bas Canada en 1840. En 1844, la capitale du Canada est déplacée de Kingston à Montréal.  Entre-temps, le Canada obtenait en 1848 la mise en place du principe de gouvernement responsable. Les leaders réformistes, Louis-Hippolyte Lafontaine et Robert Baldwin, devinrent co-premiers ministres de la province unie du Canada, et présentèrent en février 1849 un projet de loi visant à compenser les victimes de la rébellion de 1837-38 dans le Bas-Canada.

  1. Deux poids deux mesures : le gouverneur Lord Elgin doit trancher   

Ce projet de loi est fortement contesté par différents leaders anglophones (dirigeants conservateurs, milieux d’affaire, principaux journaux), alors que la presse francophone soutenait unanimement le projet de loi. Pour ces opposants, il n’était pas question d’accorder aux victimes  du Bas-Canada une indemnisation similaire à celle qui avait été accordée en 1841 aux victimes de la rébellion dans le Haut-Canada. 

Aussi, tout au long des mois de février et de mars 1849, les débats entourant l’adoption de la loi furent très houleux, marqués de l’obstruction systématique et de grandes protestations publiques non seulement à Montréal, mais dans diverses villes de l’Ontario.  Néanmoins, les leaders réformistes allèrent de l’avant avec l’adoption de leur projet de loi. Aussi, l’opposition se cristallisa le 25 avril 1849, alors que le gouverneur général, Lord Elgin, accordait l’approbation royale à la loi d’indemnisation.

  1. Des protestations démesurées des « Anglo-Saxons »

Dans la journée du 25 avril, des Montréalais anglophones décidèrent de recourir à la violence pour manifester leur opposition. Ainsi, une importante foule, regroupant des milliers de manifestants, se massa le long de la route empruntée par Lord Elgin, jetant des pierres et des oeufs sur sa voiture.  Graduellement, le rédacteur en chef du journal The Gazette, James Moir Ferres, commenta l’incident impliquant Lord Elgin et invita les « Anglo-Saxons » de Montréal à assister à une réunion de masse à 20 heures à la Place d’Armes.  Cet appel à manifester dégénéra en émeute. 

  1. Incendie du Parlement

Les protestataires en colère envahirent le Parlement, incendiant le bâtiment, mettant le feu à sa bibliothèque qui contenait de précieux documents historiques. Seulement 200 des 23 000 livres de la bibliothèque furent sauvés. Les pertes de la bibliothèque furent estimées à plus de 400 000 £. De plus, les émeutiers ne permirent pas aux pompiers de combattre les flammes qui dévastaient le Parlement et s’opposèrent même à ceux qui cherchaient à sauver les structures du bâtiment. Les émeutes durèrent deux jours.  Les propriétés privées de plusieurs leaders réformistes, dont celle de Lafontaine, furent même attaquées. Les émeutiers brisèrent les vitres des bureaux du Montreal Pilot, le seul quotidien anglophone à soutenir l’administration. Dans toute l’histoire de l’Empire britannique et du Commonwealth, ce fut la seule fois que des citoyens incendièrent un Parlement en signe de protestation.

Durant l’émeute, Lafontaine fit appel à une force de 800 gendarmes spéciaux pour rétablir la paix et faire arrêter les émeutiers à Montréal en attendant l’arrivée deux jours plus tard du 71e régiment britannique. Il les firent ensuite libérer sous caution. Au grand déplaisir des émeutiers anglophones, le gouverneur Elgin soutient inconditionnellement les mesures prises par Lafontaine. 

  1. Une alliance des réformistes

Ainsi, la coopération de Lafontaine-Elgin fit en sorte que l’émeute ne porta pas un coup fatal au mouvement réformiste. Les bases du parlementarisme canadien et la capacité d’un gouvernement responsable d’agir efficacement et de gérer une crise majeure étaient ainsi renforcées. Néanmoins, l’incendie du Parlement représenta un événement crucial dans la démocratie canadienne. Le Parlement vota en mai, pour le transfert de la capitale alternative entre Toronto et Québec, en attendant que la ville d’Ottawa soit désignée en 1857 comme capitale du Canada. 

 

Gilles Vandal, Ph.D
Professeur émérite de l’Université de
Sherbrooke                                                                                                                         

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— 2e trimestre 2024, Régime britannique