Décès de Judith Jasmin (1972)

Née à Terrebonne en 1916 dans une famille qui adhérait aux valeurs socialistes dont celle de la lutte aux inégalités sociales, Judith Jasmin entreprit des études classiques qui lui permirent d’apprécier l’humanisme à travers, entre autres la littérature et le théâtre.

 

1. Une carrière en trois temps

 

1.1. Le théâtre
À la fin de ses études classiques, Judith Jasmin entama une carrière de comédienne au théâtre puis au radio-théâtre au milieu des années ’30, interprétant des rôles qui la feront connaître et apprécier du grand public pendant une dizaine d’années.

 

1.2. La radio : un média qui rejoint un grand public
Après la Seconde Guerre mondiale, elle devint journaliste à la radio de Radio-Canada en 1947.
D’abord présentatrice puis réalisatrice au Service International de Radio-Canada, elle devint rapidement la voix « moderne » de la radio en osant traiter de sujets jugés jusque-là comme tabous. Ses thèmes de prédilection tournaient, entre autres, autour de la séparation de l’Église et de l’État, de la lutte aux inégalités sociales, du développement du féminisme, du syndicalisme, autant d’enjeux sur lesquels elle tenait à faire valoir les bienfaits. Ses rencontres avec la syndicaliste Idola Saint-Jean et de la militante féministe Thérèse Casgrain lui donnèrent des « munitions » pour oser traiter d’enjeux sociaux qui n’étaient que rarement présentés sur les ondes radiophoniques. Par ses reportages et ses conférences, elle se voulait déjà « éveilleuse de conscience » afin d’inviter les Québécoises et les Québécois à considérer des avenues modernes et progressistes de la gouvernance de l’État.
À ses débuts, elle fit la rencontre de René Lévesque qui faisait, lui aussi ses premiers pas comme journaliste. Ses collaborations avec Lévesque les rapprochèrent intimement jusqu’à vivre une idylle amoureuse durant trois années. Elle souhaitait, grâce à des enquêtes journalistiques bien menées et bien présentées, comme les faisaient Lévesque et même Pierre Elliott Trudeau avec lequel elle s’était lié d’amitié depuis ses interventions médiatisées pendant la grève d’Asbestos de 1949, libérer les Québécoises et les Québécois de l’autoritarisme de Maurice Duplessis, Premier Ministre du Québec jusqu’en 1959. Elle n’avait pas hésité, aussi, à faire des entrevues avec les auteurs du fameux Refus Global qui osaient critiquer ouvertement la main mise du clergé sur l’éducation et de l’autoritarisme du Premier Ministre Duplessis.

 

1.3. La télévision : un média révélateur
L’arrivée de la télévision en 1952, lui permit de se faire encore plus connaître comme journaliste en co-animant avec René Lévesque une série de reportages portant sur l’actualité politique et internationale.
Puis, en pleine Révolution Tranquille des années ‘60, elle milita pour la laïcité de l’État, la promotion de la langue française et la défense des minorités visibles que sont les autochtones et les immigrants de toute provenance.
Dans ses écrits elle considérait même que l’indépendance du Québec était une opportunité à saisir permettant un changement social dont elle espérait l’arrivée.

 

2. Des entrevues percutantes
La qualité de ses reportages et de ses entrevues firent de Judith Jasmin une vedette de la radio et de la télévision: elle réussissait à faire valoir les traits originaux des personnalités qu’elle rencontrait et ce, tant du monde culturel comme avec son amie et romancière Gabrielle Roy, ou des personnalités québécoises comme Félix Leclerc, Lionel Groulx, ou étrangères comme Salvador Dali, Marcel Pagnol, Jean Cocteau. Comme la politique internationale l’intéressait, elle réussit à rencontrer des présidents controversés comme François Duvalier (président d’Haïti) ou Hô Chi Minh (président du Nord-Vietnam). Et c’est grâce à ces entrevues que les Québécoises et les Québécois ont pu s’émanciper un tant soit peu, du dirigisme du clergé et de l’État, et qui lui ont mérité quantité de prix et de reconnaissances dans sa carrière qui s’est terminée en 1970 en raison d’un cancer qui l’avait atteinte.

Judith Jasmin décéda en 1972 à l’âge de 56 ans.

 

Luc Guay, Ph.D
Professeur retraité de l’Université de Sherbrooke

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4e trimestre 2022