La loi 21 sur la laïcité de l’État – 2019

  1. Premiers pas de la laïcité :  la déconfessionnalisation de l’enseignement

Dans la foulée de la Révolution tranquille, la société québécoise effectua un long parcours vers la laïcité, alors que le sujet de la pratique religieuse dans le domaine public a fait l’objet de vives discussions. Plus encore, l’État québécois choisit de récupérer différentes missions en éducation, en santé et en services sociaux qu’il avait auparavant cédé à l’Église catholique. En conséquence, l’enseignement public au Québec s’est déconfessionnalisé à la fin des années 1990, alors que les écoles québécoises n’étaient plus liées aux églises catholique et protestante. La société québécoise s’était ainsi graduellement modernisée pour devenir plus pluraliste et plus inclusive.

  1. Débats autour des accommodements raisonnables

Néanmoins, un débat national surgit au début de 2007 concernant les accommodements raisonnables que le Québec devait octroyer aux minorités religieuses. Ce débat s’est d’abord focalisé autour des travaux de la Commission Bouchard-Taylor en 2007-2008. Par la suite, l’Assemblée nationale du Québec fut saisie successivement par quatre projets de loi visant à la fois à favoriser le respect de la neutralité religieuse de l’État et à encadrer les demandes d’accommodements religieux dans certains organismes. Le projet de loi 21, intitulée “Loi sur la laïcité de l’État”, fut finalement adopté par l’Assemblée nationale le 16 juin 2019. 

  1. Interdiction du port de signes religieux dans certains secteurs

La nouvelle loi a pour but de confirmer le statut laïc du Québec en interdisant le port de signes religieux par les personnes occupant des postes d’autorité. Dans l’optique d’affirmer la laïcité du Québec, le gouvernement de François Legault ne se limite pas à interdire le port de symboles religieux par les fonctionnaires occupant des postes d’autorité tels que les policiers et les juges comme le recommandait le rapport Bouchard-Taylor. Il décide d’aller plus loin en incluant les enseignants du secteur public. Toutefois, la loi 21 comprend deux grandes exemptions. Elle ne s’applique pas aux enseignants stagiaires et reconnaît les droits acquis des employés précédant l’adoption de la nouvelle législation. 

  1. Des critiques qui dénoncent la loi

La loi 21 se veut un compromis entre un laisser-aller total et une stricte neutralité dans le domaine public. Elle repose ainsi sur un modèle de laïcité ouverte permettant la présence de la religion dans l’espace public à condition que les droits et libertés des autres citoyens soient respectés. Néanmoins, l’adoption de la loi 21 ne s’est pas déroulée sans heurts. Lors de son adoption, la loi 21 fut fortement critiquée à la fois par les partis Québec Solidaire et Libéral du Québec, alors que le gouvernement Legault obtint le soutien du Parti québécois. Par ailleurs, des groupes religieux, les deux anciens commissaires auteurs du rapport Bouchard-Taylor, des universitaires canadiens et des organismes humanitaires comme Amnesty International ont dénoncé publiquement la nouvelle loi.

  1. Une clause dérogatoire préventive

Déjà lors de la campagne électorale fédérale de 2021, la loi 21 fut au centre d’une importante controverse, tous les partis fédéraux, à l’exception du Bloc québécois, ont exprimé ouvertement leur opposition. Si les sondages montrent que les deux tiers des Québécois soutiennent la nouvelle loi, celle-ci est soumise à une opposition virulente hors Québec. Anticipant cette opposition, le gouvernement Legault décida de recourir de manière préventive à la clause dérogatoire pour contourner les articles de la Charte canadienne des droits et libertés et ainsi éviter de longues batailles judiciaires. Mais rien n’y fit. Le projet de loi 21 a été contesté devant les tribunaux dès son adoption. Le dossier devrait ultimement se retrouver devant la Cour suprême du Canada.

 

Gilles Vandal, Ph.D
Professeur émérite de l’Université de Sherbrooke

Category
— 2e trimestre 2024, Régime canadien