Les années 1968-1969 ont connu leurs lots de manifestations au Québec, ayant comme enjeux, entre autres, des débats sur les langues, débats que l’écrivain Pierre Godin a qualifié de « Poudrière linguistique » dans son ouvrage rédigé en 1990 portant sur l’implantation des premières lois linguistiques au Québec.
- La crise de St-Léonard, les projets de loi 85 et 88, la loi 63
Outre les manifestations survenues à St-Léonard se rapportant aux désirs d’une majorité de citoyens italophones d’envoyer leurs enfants à l’école anglaise; outre la présentation du projet de loi 85 qui avait pour objectif de promouvoir la langue française au Québec, mais qui en fait, laissait le libre-choix aux immigrants d’envoyer leurs enfants à l’école anglaise ou française; outre le débat de la loi 63 qui consacrait les principes du projet de loi 85, les étudiants francophones se désespéraient de fréquenter l’une ou l’autre université francophone du Québec (les universités de Montréal, de Laval et de Sherbrooke) faute de places. Cette situation pourrait être qualifié de rocambolesque étant donné que les anglophones ne constituaient alors que 18% de la population du Québec, alors que 42% de ses étudiants accédaient à l’une ou l’autre des universités anglophones de McGill, Loyola, Sir George Williams et Bishop.
- La création des CEGEP
Ajoutons à cela que la création du réseau des CEGEP en 1967 avait permis à des milliers de francophones québécois d’espérer accéder aux études universitaires, mais voilà que les places allaient manquer encore plus avec l’arrivée de 100 000 cégépiens qui frappaient aux portes des universités! La promesse de créer le réseau de l’Université du Québec fin 1968 semblait beaucoup trop éloignée des espoirs des finissants étant donné les délais anticiper pour la construction et la mise en place de cette superstructure.
- L’université McGill et les francophones
L’université McGill ne comptait dans ses rangs que 7% d’étudiants francophones. Ce fut l’occasion pour les étudiants et les groupes syndicaux et nationalistes de revendiquer l’augmentation du nombre d’admissions des étudiants francophones. Des leaders anglophones dont le chargé de cours à McGill, Stanley Gray, furent même aux avant-postes pour réclamer ce principe, tout en réclamant l’augmentation du nombre de professeurs et d’administrateurs francophones. Leurs doléances ne furent pas entendues par l’administration de l’université. Le renvoie de Stanley Gray provoqua un fort mécontentement qui allait dégénérer en une manifestation monstre.
- La manifestation du 28 mars 1969
Les étudiants des CEGEP de la province ainsi que ceux de l’université de Montréal se mobilisèrent dans l’organisation d’une grande manifestation le 28 mars 1969, la plus importante depuis la Seconde Guerre mondiale. Des affiches et des tracts furent publiés un peu partout portant le slogan de « McGill français ». Le nombre de manifestants a été estimé à environ 10 000 personnes dans les rues de Montréal. Le tout s’étant déroulé pacifiquement jusqu’à que ce des contremanifestants injurient les manifestants. La police, ayant été prévenu de possibles échauffourées, réussit à les disperser.
Les administrateurs de l’université McGill réagirent en promettant d’augmenter le pourcentage d’étudiants et de professeurs francophones dans son établissement. Sur son site web visité en 2024, soit 55 ans après la manifestation McGill-français, l’administration souligne que 20% des étudiants sont francophones et qu’ils peuvent remettre leurs travaux en français. Quelle conclusion faut-il en tirer?
Luc Guay, Ph.D
Professeur retraité de l’université de Sherbrooke