Manifestation pour le suffrage féminin – 1922

1. L’obtention du droit de vote des femmes au fédéral en 1917

La Grande Guerre 1914-1918 a eu des impacts majeurs à l’international, mais aussi sur le plan domestique. C’est, entre autres, dans ce contexte de bouleversements que les Canadiennes de 21 ans et plus obtiennent le droit de vote en 1917, avec des restrictions qui seront pour la plupart levées en 1918. Elles exercent ce droit pour la première fois lors des élections fédérales du 6 décembre 1921.

 

Le moment est propice pour cette réforme, que des mouvements de « suffragettes » réclament depuis longtemps. Les provinces du pays suivent d’ailleurs le courant qui se propage dans le monde occidental.

 

2. Des suffragettes québécoises bien actives

Le Québec fait bande à part. Malgré la domination d’un gouvernement libéral depuis 1897, le conservatisme des élus et l’influence de l’Église catholique font barrage à l’obtention du vote des femmes sur la scène provinciale. Certains propos, comme ceux attribués au conseiller législatif Joseph-Léonide Perron, trahissent une condescendance assumée : « La femme vote une fois, le jour de son mariage ».

 

Jugeant le fruit mûr, notamment à la suite de leur participation au scrutin fédéral, les groupes de femmes accentuent la pression. Un argument fréquemment utilisé par leurs opposants perd du poids : ces élections n’ont été marquées par aucune forme d’instabilité.

 

Le Comité provincial pour le suffrage féminin, fondé le 14 janvier 1922, canalise l’énergie des femmes francophones et anglophones qui veulent voir le gouvernement québécois emboîter le pas. Elles comptent sur l’appui d’hommes politiques fédéraux et provinciaux, comme le député Henry Miles, laissant présager que le vent a tourné.

 

3. Manifestation à Québec : le gouvernement fait la sourde oreille

Le 9 février, une importante délégation de femmes se rend à Québec pour défendre leur cause devant les élus. Du nombre, le premier ministre Louis-Alexandre Taschereau. Les figures de proue du mouvement prenant la parole à cette occasion – Marie Gérin-Lajoie, Idola Saint-Jean, Carrie Derrick, etc. – sont bien préparées.

 

Parmi les arguments des opposants, il y a celui des « juridictions partagées », évoqué dans une pétition de femmes favorables au statu quo : « chacun des deux [hommes et femmes] garde sa supériorité, pourvu qu’il reste dans son domaine et qu’il y remplisse son devoir ». Gérin-Lajoie donne une autre perspective : « comme la femme joue un rôle considérable dans la vie privée, pourquoi n’aiderait-elle pas l’homme dans la vie publique? »

 

Le ton demeure courtois, mais le premier ministre est inflexible. Tout en disant que les députés sont ceux qui pourront trancher, il s’oppose ouvertement au projet de loi sur le suffrage féminin qui restera lettre morte. Les biographes d’Idola Saint-Jean parleront de « douche froide » pour décrire cette réaction.

 

4. L’obtention du droit de vote des Québécoises enfin accordée en … 1940!

Les suffragettes ne lâcheront pas le morceau. Il faudra toutefois attendre 1940 avant que d’autres libéraux, cette fois dirigés par Adélard Godbout, ne fassent du droit de vote des femmes au Québec une réalité.

 

Serge Gaudreau
Historien, École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke

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1er trimestre 2022, Régime canadien