Née en France en 1620, Marguerite Bourgeoys s’est intéressée à la Nouvelle-France par l’entremise de la directrice d’une congrégation religieuse, celle de Notre-Dame et qui était la sœur de Chomedey de Maisonneuve qu’elle rencontra en 1652. Rappelons que ce dernier fut le cofondateur de Ville-Marie (Montréal) en 1642. Marguerite Bourgeoys fut très tôt attirée par l’enseignement auprès des jeunes filles, et, c’est durant les années 1640-1652, qu’elle comprit l’importance d’instruire les enfants de Nouvelle-France comme le lui avait raconté Maisonneuve. Mais pour ce faire, il fallait que ce dernier accepte l’offre de cette jeune religieuse! Aussi voulut-il l’avertir que les conditions de vie étaient pénibles là-bas, au « Nouveau Monde »! Devant l’insistance de Marguerite Bourgeoys à mettre en place sa mission d’enseignante auprès des jeunes défavorisés et des jeunes filles autochtones, Maisonneuve accepta cette offre exceptionnelle.
1. Une éducatrice…moderne!
Ainsi, c’est en 1653 qu’elle arrive à Ville-Marie et s’y installe pour s’occuper de l’éducation des enfants…mais, il n’y en avait pas encore d’âge scolaire…la mortalité infantile ayant fait son œuvre… Il lui fallut attendre cinq ans avant d’ouvrir son école, et quelle école! Maisonneuve lui avait remis une étable en pierre qui mesurait 36 pieds par 18 pieds (soit environ 12 m sur 6 m) qu’elle organisa afin d’en faire une école adaptée aux conditions de vie de la Nouvelle-France. La mission qu’elle s’était donnée et sur laquelle elle avait tablée, était d’offrir aux jeunes filles, tant « Françaises-Canadiennes » qu’autochtones, une éducation non seulement gratuite, mais de qualité, système promu en France par Pierre Fourrier qui proposait, entre autres, les divisions des locaux en classes et l’introduction du tableau noir. Pour l’aider dans sa tâche d’éducatrice, elle se rendit en France en cette même année et ramena trois jeunes femmes bourgeoises de ses connaissances qui devinrent des institutrices sous sa direction. Voici ce qu’elle écrivit dans un de ses écrits (selon l’orthographe de cette époque): « Les Sœurs doivent prandre peine de se randre savante et abille en toute sortes douvrages. Les filles de la Congrégation abandonne leur santé, leur satisfaction et leur repos pour l’instruction des filles ». Et puis, entre autres règles, il n’était pas question de punir physiquement les enfants!
2. L’arrivée des Filles du Roy
Soulignons que Marguerite Bourgeoys était fort appréciée de la population car elle avait convaincu les habitants de Ville-Marie dès 1657, à entreprendre une grande corvée afin de construire une chapelle qu’elle baptisa Notre-Dame du-Bon-Secours, qui existe encore de nos jours, mais qui a été maintes fois restaurée…
Ce n’est pas tout, car en 1667, elle s’appliqua aussi à recevoir les Filles du Roy, ces orphelines que le roi envoya en Nouvelle-France pour la peupler. Elle allait même les chercher au port de Ville-Marie afin de les accueillir, de les instruire sur leur rôle de mères et les présenter aux célibataires qu’elle avait expressément soumis à des « examens » prouvant qu’ils étaient non seulement vertueux mais aussi vaillants.
3. Une rencontre avec Louis XIV
Appréciée par l’intendant Talon et le ministre Colbert, Marguerite Bourgeoys se rend en France en 1670 sans argent et sollicite une rencontre avec… le roi Louis XIV! Sa « mission » était d’obtenir des lettres patentes pour régulariser l’état séculier des femmes qui avaient décidé d’oeuvrer auprès des enfants et des jeunes autochtones. Le roi n’hésita pas, grâce aux recommandations de Talon et Colbert à lui consentir ces privilèges dès l’année suivante.
4. Une vie dédiée à l’enseignement
Comme les jeunes filles aisées de Ville-Marie se rendaient à Québec pour poursuivre leurs études, Marguerite Bourgeoys mit en place un pensionnat pour que ces dernières restent sur place. Mais ses motivations premières, celles qui l’habitaient depuis les tout débuts, furent de rendre accessibles les écoles même aux plus démunies. Elle fonda des écoles situées en périphérie de Ville-Marie comme à Lachine, à la Pointe-aux-Trembles, mais aussi un peu plus loin comme à Batiscan et à Champlain près des Trois-Rivières!
À son décès à Montréal en 1700, la Congrégation Notre-Dame comptait 40 religieuses et 6 644 en 1961!
Elle fut béatifiée en 1982 par le pape Jean-Paul II.
Luc Guay, Ph.D
Professeur retraité de l’université de Sherbrooke