Naissance d’Honoré Beaugrand – 1848

Honoré Beaugrand

Né à Lanoraie en 1848, Honoré Beaugrand est reconnu comme étant un libre-penseur qui, en son temps, fut pris à parti par le clergé catholique et les militants conservateurs qui lui reprochaient ses prises de position jugées trop libérales. Il faut comprendre que son père et son grand-père maternel avaient soutenu le parti Patriote de Louis-Joseph Papineau en 1837-1838 et qu’ils avaient aussi adhéré à l’Institut canadien de Montréal qui professait son anticléricalisme et des valeurs libérales et…républicaines.

 

1. Un séjour aux États-Unis révélateur
À 16 ans, il séjourna aux États-Unis de 1871 à 1878 exerçant divers métiers : c’est là qu’il fit ses premiers pas comme journaliste et fondateur d’un journal, l’Écho du Canada dont les articles, en français, avaient pour objectifs d’aider les émigrés Canadiens-français à se rappeler leur ancienne patrie, le Québec. Il rédigea même un roman, « Jeanne la fileuse » qui décrit les difficultés de ses compatriotes dans les manufactures américaines. Il revint au pays en 1878.

 

2. Un propriétaire de journal novateur
Dès 1879, les Libéraux d’Ottawa lui demandent de fonder un journal afin de pourfendre les politiques des Conservateurs de John A. MacDonald et du même coup, de publiciser les idées libérales. Avec doigté, Honoré Beaugrand met sur pied ce journal, La Patrie, et innove en insérant des publicités qui attirent tellement les commerçants que le journal en tire grand profit, se déclarant même indépendant des subventions accordées par les différents gouvernements! Il dirigea La Patrie de 1879 à 1897 : c’est sous sa direction que Robertine Barry présenta ses positions féministes et sociales, une première dans l’histoire journalistique canadienne-française!
Il se résigna à vendre le journal à des intérêts libéraux en raison de ses problèmes d’asthme.

 

3. Un personnage aux positions ambiguëes
Lors de son séjour aux États-Unis, Honoré Beaugrand épousa une américaine protestante, lui qui se targuait d’être un fier francophone et qui était même entré au noviciat des Clercs de Saint-Viateur à l’âge de 16 ans (il n’y resta qu’un an). Sa fille ne fréquenta que des écoles anglaises…

Il fut élu maire de Montréal de 1885 à 1887, grâce aux votes des anglophones qui formaient alors 45% de la population, ainsi que des commerçants qui voyaient en lui un allié parce qu’il parlait anglais et qu’il voulait moderniser Montréal. Évidemment le clergé et les Conservateurs ont tout tenté pour lui nuire, mais en vain. Durant son mandat, il fit face à des enjeux de taille. D’abord survint la terrible épidémie de variole qui faisait plus de 30 décès par jour! Adepte des thèses scientifiques, il souscrivit à l’idée de faire vacciner la population et de maintenir en quarantaine les personnes atteintes du grand mal…Il dut affronter la colère des Canadiens-français qui ne voulaient pas se faire vacciner, ni s’isoler. Il a fallu demander l’aide de l’évêque de Montréal (lui, un anticlérical!) afin de présenter les bienfaits de ces solutions auprès des fidèles…

La même année, l’annonce des déboires des Métis de l’Ouest se solda par l’arrestation, puis la pendaison de Louis Riel, leur chef. Beaugrand avait alors salué le travail des militaires canadiens dans cette affaire, mais regretta amèrement la pendaison de Riel en la dénonçant, par écrit, lors de la grande manifestation qui avait réuni 40 000 personnes à Montréal.
Les politiciens libéraux tels qu’Honoré Mercier et Wilfrid Laurier l’ont déçu : se qualifiant de libéral radical, il jugea leurs postures trop proches de celles des Conservateurs pour le premier, ou trop peu libérales pour le second…

 

4. Un écrivain
En 1900, il rédigea un recueil de contes intitulé : « La Chasse Galerie : légendes canadiennes » qui fut bien accueilli par le public. Il entreprit plusieurs voyages tant en Méditerranée, qu’en Extrême-Orient et dans le Sud-Ouest américain afin d’alléger ses souffrances causées par son asthme. Il mourut en 1906, à Montréal et ses cendres furent déposées au cimetière Mont-Royal à Outremont.

 

Luc Guay, Ph.D
Professeur retraité de l’Université de Sherbrooke

Category
1er trimestre 2023, Régime britannique