Ses racines rurales ont une influence déterminante sur le parcours professionnel fascinant qui sera celui de Joseph-Armand Bombardier. Ce dernier pousse ses premiers cris dans la future municipalité de village de Valcourt, en pleine campagne estrienne, le 16 avril 1907. Or, à cette époque, sur le plan des transports, la distance a encore une importance.
Combler un besoin
En essor au cours des années 1910 et 1920, l’automobile capte rapidement l’imagination de l’aîné des 8 enfants d’Alfred Bombardier et Anna Gravel. Avant même d’avoir 20 ans, il affiche sa fibre entrepreneuriale en se portant acquéreur d’un garage. Ce passionné de mécanique ne se contente toutefois pas de réparer ce qu’il touche. À la fois patenteux et visionnaire, Joseph-Armand s’intéresse particulièrement à développer une mécanique pouvant aplanir les obstacles que l’hiver québécois dresse devant les ruraux, dont la neige recouvrant les chemins. À cette considération pratique s’ajoute une motivation émotive en 1934, soit le décès de son fils Yvon. L’état des routes rendu impraticable par les conditions hivernales, ce dernier n’avait pu être amené à temps à l’hôpital. L’idée d’une motoneige, capable de surmonter le problème posé par les voies enneigées, a déjà fait son chemin chez lui. Il continue de la peaufiner au cours des années 1930, aboutissant à un ingénieux modèle B7 – 7 pour le nombre de passagers – , qui trouve notamment preneur auprès de médecins dont la mobilité en milieu rural peut être vitale.
Sur une grande échelle
Sur cette lancée, Bombardier passe graduellement de la fabrication de quelques dizaines de modèles à la production industrielle. L’usine qu’il inaugure en janvier 1941, L’Auto-Neige Bombardier Limitée, devient un pilier économique de cette région peu peuplée. Des commandes gouvernementales obtenues pendant la guerre, dont l’autoneige B12, contribuent à son expansion. Avant que la motoneige, ou le « ski-doo » pour une ou deux personnes, ne s’impose à partir de la fin des années 1950 comme une véritable révolution dans le domaine du transport récréatif.
C’est après une vie riche en réalisations de toutes sortes que Joseph-Armand Bombardier décède le 18 février 1964. Sa mémoire sera immortalisée de bien des façons. Un musée de l’ingéniosité portant son nom est une des attractions de son Valcourt natal, capitale mondiale de la motoneige devenue une municipalité de plus de 2 000 habitants. C’est également vers ce pionnier que l’on se tourne en 2004 pour le toponyme de l’autoroute 55 traversant l’Estrie.
Avec la diversification que prend l’entreprise Bombardier au fil des ans – transport ferroviaire, aéronautique, etc. – , l’héritage du fondateur prend une autre stature. De la campagne estrienne au village global, ce qui a commencé comme le rêve d’un homme est devenu une multinationale aux nombreuses ramifications, symbole d’un Québec aux ambitions internationales.
Serge Gaudreau
Historien, École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke