Rapatrier la Constitution canadienne « hébergée » à… Londres !
Le premier ministre Pierre Elliot Trudeau s’était engagé à rapatrier la Constitution canadienne qui se trouvait toujours à Londres, et ce, depuis 1867 ! Il était important de le faire puisque le Parlement canadien ne pouvait ni modifier ni ajouter les articles de lois qui la composaient. Il a organisé, à l’automne 1981, des conférences avec les premiers ministres des provinces pour tenter d’établir des compromis susceptibles d’être entérinés par ces derniers. La dernière conférence portant sur le rapatriement de la constitution dura quatre jours et, selon le premier ministre Trudeau, c’était la conférence de la « dernière chance » : de petits groupes de travail s’étaient mis à l’œuvre pour concocter des modifications au texte qui devait recevoir l’assentiment de tous les participants. Ainsi, il fallait redéfinir les pouvoirs et compétences consentis aux provinces et à Ottawa.
Plus de pouvoirs aux provinces, mais pas de statut spécial pour le Québec
Les Québécois, par la voix de leur premier ministre René Lévesque, réclamaient, depuis longtemps, un nouveau partage des compétences, car le gouvernement fédéral, depuis 1867, s’était constamment arrogé plus de pouvoirs aux dépens des provinces. Lévesque réclamait aussi, comme plusieurs de ses prédécesseurs, un statut spécial pour le Québec, étant donné sa spécificité francophone et comme étant le foyer géographique de l’un des deux peuples fondateurs du pays. Les premiers ministres provinciaux applaudissaient à l’idée de s’arroger plus de pouvoirs aux dépens du fédéral, mais pas à l’idée d’octroyer au Québec un statut spécial, dont un droit de véto sur certaines dispositions de la Constitution, par exemple sur la question de la langue.
Une entente de rapatriement sans l’accord du Québec
Un coup d’éclat survint durant la nuit de la troisième journée de cette conférence : elle fut surnommée par la délégation québécoise, la « nuit des longs couteaux », appelée ainsi parce que les neuf premiers ministres des provinces anglophones s’étaient mis d’accord, sans la présence du premier ministre Lévesque, sur les dispositions à apporter à la nouvelle Constitution canadienne. Lévesque qualifia de trahison l’accord conclu durant la nuit, sans qu’il en ait été avisé… Rappelons, pour la petite histoire, que la délégation québécoise ne logeait pas à Ottawa comme les autres, mais à Hull (aujourd’hui Gatineau), du côté québécois.
Une nouvelle Constitution canadienne non signée par Québec
Aussi, l’accord ne fut pas signé par le premier ministre du Québec, et ne l’est toujours pas, 40 ans plus tard : le premier ministre Trudeau s’en tint à un jugement de la Cour Suprême du Canada qui affirmait qu’il n’était pas obligatoire d’obtenir l’assentiment de toutes les provinces pour que le gouvernement fédéral procède au rapatriement. Se sentant trahi par ses homologues, Lévesque s’en retourna à Québec en prédisant des jours malheureux à la « nouvelle » Confédération. Lévesque pouvait toutefois miser sur une disposition dérogatoire à savoir que le gouvernement québécois était en mesure de protéger une loi contre toute tentative de la faire invalider au nom de la Charte canadienne.
Luc Guay, Ph. D.
Professeur retraité de l’Université de Sherbrooke