- Pouvons-nous imaginer?
Pouvons-nous imaginer pareille catastrophe? Imaginons, un instant, qu’en pleine nuit, nous assistions à une explosion qui dévaste en un rien de temps, le centre-ville d’une municipalité de 6000 habitants, faisant 47 victimes!
C’est bien ce qui est arrivé ce 6 juillet 2013, alors qu’un long convoi de 72 wagons-citernes transportant du pétrole brut du Dakota se dirigeait vers le Nouveau-Brunswick en passant par Lac-Mégantic.
- Le drame
Cette nuit-là, le cheminot en charge du convoi alla se coucher dans un hôtel de la municipalité, après s’être assuré qu’il avait appliqué les freins manuels de certains wagons : il savait que le train se trouvait sur une pente descendante dans la petite municipalité de Nantes située à une dizaine de km de Lac-Mégantic. Trente minutes plus tard, des citoyens signalèrent aux pompiers que du feu sortait d’une locomotive du convoi immobilisé à Nantes; ces derniers se précipitèrent sur les lieux et maîtrisèrent l’incendie et quittèrent les lieux vers minuit 13, le 6 juillet. Une heure plus tard, le convoi se mit en branle sans personne pour le conduire, les freins manuels n’ayant su résister à la forte pression de la pente descendante. Le train roulant à vive allure, soit à 104 km/h, ne put négocier correctement la courbe, et dérailla en plein centre-ville, provoquant une série d’explosions mortelles pour 47 Méganticois et la destruction d’une trentaine d’édifices, sans compter le déversement de 120 000 litres de pétrole dans le lac Mégantic!
- Tout le Québec est secoué
Il a fallu 40 heures aux quelques 150 pompiers des municipalités environnantes pour maîtriser les incendies causées par ce déraillement. Des spécialistes de tous les domaines investirent les lieux du drame : il fallait non seulement traiter les blessés, mais aussi les habitants qui venaient d’être bousculés par cette tragédie qui a causé les décès de parents, d’amis, de voisins ou même de citoyens qui ne se sentaient plus en sécurité en ces lieux. Il fallait nettoyer, reconstruire, et surtout, évaluer le contournement de cette sinistre voie ferrée qui passait par la municipalité. Les coûts sont estimés à 1,5 milliards $. Mais que sont ces chiffres face à tous ces décès?
- Un drame qui aurait pu être évité
Les recommandations des autorités politiques et judiciaires vont toutes dans la même direction : cette tragédie aurait pu être évitée si les mesures de sécurité avaient été mises en place de façon conforme aux directives gouvernementales et de l’industrie ferroviaire. Mais plusieurs citoyens en appellent à des changements drastiques quant au contournement de la voie ferrée, et la mise à niveau des locomotives et des wagons-citernes qui transportent des matières dangereuses comme le pétrole. Signalons aussi que le transport pétrolier au Canada avait augmenté de 28 000% au cours des cinq années précédent la catastrophe! La négligence des propriétaires américains des lignes de transport ferroviaire a été pointée du doigt : les subventions qui avaient été accordées par les différents paliers gouvernementaux n’avaient pas été utilisées pour la mise à niveaux des infrastructures canadiennes…
- Des impacts
Est-ce qu’un tel drame peut encore se reproduire au Canada? Force est de répondre par l’affirmative étant donné l’ampleur que prend le transport de produits dangereux par rail et que les recommandations des autorités politiques et judiciaires mettent du temps à être appliquées. Encore faut-il ajouter que les sanctions imposées aux compagnies ferroviaires ne sont pas à la hauteur des coûts tant humains que matériels que doivent assumer les citoyennes et les citoyens affectés par les manquements à ces dernières. Mais personne ne souhaite revivre ce cauchemar! C’est pourquoi des groupements citoyens se constituent un peu partout tant au Québec que dans le reste du Canada afin de manifester leurs craintes face au transport de marchandises dangereuses dans leurs municipalités. Cet engagement citoyen aura-t-il raison de la lenteur avec laquelle les gouvernements et les entrepreneurs des grandes sociétés ferroviaires agissent?
Luc Guay, Ph.D
Professeur retraité de l’Université de Sherbrooke