Relance ou prise de contrôle à la SSJB?

Relance ou prise de contrôle à la SSJB?

JACYNTHE NADEAU – La Tribune – 26 avril 2017

– Étienne-Alexis Boucher veut dépoussiérer la Société Saint-Jean-Baptiste du diocèse de Sherbrooke.

L’ex-député du Parti québécois, aujourd’hui président fondateur de la Société nationale de l’Estrie, a déposé le 12 avril dernier 505 demandes de membrariat à l’organisme apolitique qui fait la « promotion des intérêts des Canadiens français » depuis plusieurs décennies.

Boucher reproche à la SSJB de graves lacunes en matière de gouvernance et souhaite faire revivre l’organisme, dont il est membre depuis un an.

« Ce mouvement que j’ai initié a véritablement pour but de relancer un organisme qui a déjà rayonné dans la région et qui n’est plus que l’ombre de lui-même », explique M. Boucher à La Tribune en niant toute intention indépendantiste.

La SNE et la SSJB, fait-il valoir, poursuivent les mêmes objectifs de promotion de la culture, de l’histoire et de la langue au Québec et pourraient travailler main dans la main au-delà de leurs allégeances politiques.

« La région gagnerait à avoir deux organismes qui se consacrent à la promotion de la langue française, estime Étienne-Alexis Boucher. On ne serait pas de trop. »

« C’est très particulier qu’une personne arrive avec 2525 $, comptant, dans une enveloppe brune », relate de son côté la présidente de la SSJB Micheline Dupuis en précisant que chaque carte de membre coûte 5 $. « On a remis un reçu à M. Boucher et le conseil diocésain va devoir vérifier chacune de ses demandes avant de statuer. »

La SSJB du diocèse de Sherbrooke comptait 6623 membres en 2016, selon les informations données par Mme Dupuis. Plus de 6500 d’entre eux sont membres de facto comme bénéficiaires du Service d’entraide, un service mutuel d’assurance que la SSJB a mis en place en 1941 et qui prévoit un système de ristournes pour l’organisme.

« C’est essentiellement notre Service d’entraide qui nous permet de vivre, de fonctionner et d’honorer des personnalités de la région en décernant plusieurs prix annuellement, explique Mme Dupuis. Nos 6000 membres assurés sont notre priorité. »

Outre ce service, 92 personnes sont des membres à 5 $ d’une section locale de la SSJB dans le diocèse de Sherbrooke ou des membres « isolés » s’il n’y a pas de section locale active chez eux.

« Ils sont partis de 22 000  membres en 1972 et ne sont plus que 6600 aujourd’hui, dénonce Étienne-Alexis Boucher. Il n’y a pas une année où la courbe s’est inversée. »

« On n’est pas différent d’autres groupes sociaux comme les Lions ou l’AFEAS, réplique Mme Dupuis. Un moment donné, ç’a été très fort, mais les membres vieillissent, les jeunes familles sont plus difficiles à recruter, et l’intérêt est moins là. C’est le même problème partout. »

Conseil diocésain

Depuis le départ à la retraite de son directeur général des 60 dernières années, Marcel Bureau, la SSJB est dirigée par son conseil diocésain de neuf personnes, incluant la présidente Micheline Dupuis. L’organisme a quatre salariés. On le dit fédéraliste, au contraire de la majorité des SSJB de la province, même s’il se déclare officiellement apolitique. « Il y a neuf membres autour de la table du conseil diocésain et certains n’ont jamais dévoilé leurs allégeances politiques », précise Mme Dupuis.

C’est ce conseil diocésain qui devra « vérifier », explique Mme Dupuis, et statuer à propos des 505 aspirants membres que M. Boucher a recruté « dans son réseau » à la grandeur du diocèse de Sherbrooke. « La carte de membre à 5 $ était plus facile à vendre que les cartes de membre du PQ », lance-t-il en boutade.

Selon un ex-membre du conseil diocésain, Denis Beaudin, qui questionne les véritables intentions d’Étienne-Alexis Boucher dans une lettre envoyée à La Tribune et publiée dans la section Opinions de cette édition, « chaque nouveau membre devra donner leur (sic) parole d’honneur de se conformer aux présents règlements et être accepté en assemblée générale par la majorité des membres présents ».

Étienne-Alexis Boucher assure qu’il n’a pas eu à traverser semblable procédure quand il est devenu membres de la SSJB l’an dernier, pas plus que sa conjointe qu’il a recrutée peu de temps après. « Je ne connais pas d’organisme à but non lucratif qui s’inquièterait de voir autant de gens s’intéresser à eux », ajoute-t-il.

La SSJB du diocèse de Sherbrooke tient son assemblée générale annuelle dimanche. Pour y avoir droit de parole cette année, il fallait s’inscrire et payer 27,50 $.

Des membres actuels et des aspirants membres seront présents, annonce Étienne-Alexis Boucher, qui est quant à lui en voyage à l’extérieur du pays.

Ils poseront vraisemblablement des questions sur le processus d’acceptation des membres et sur la situation de l’organisme.

« J’espère qu’il ne se passera rien et qu’il n’y aura pas de sable dans l’engrenage, dit M. Boucher. Il est grand temps que la SSJB revienne à la base, recommence à parler à ses membres et les réintègre dans sa vie démocratique. »

Une SSJB apolitique depuis près de 50 ans

Il existe une Société Saint-Jean-Baptiste dans le diocèse de Sherbrooke depuis 1858. La SSJB du diocèse de Sherbrooke a quant à elle été fondée en 1939.

C’est au tournant des années 70 qu’elle s’est dissociée de la Fédération des SSJB du Québec dans la foulée de l’arrivée au pouvoir du PQ, explique sa présidente actuelle Micheline Dupuis.

À l’époque, quatre ou cinq SSJB au Québec avaient pris la même décision.

Chaque SSJB est maintenant autonome et celle du diocèse de Sherbrooke se déclare apolitique, alors que dans d’autres régions de la Belle province, elles peuvent faire la promotion de la souveraineté du Québec ou organiser les célébrations de la Fête nationale.

La Fédération des SSJB est devenue dans ces mêmes années le Mouvement national des Québécoises et des Québécois. C’est la section estrienne du MNQ qui a notamment pris en charge, sous différents noms durant toutes ces années, l’organisation – et le budget – des activités de la Fête nationale.

La Société nationale de l’Estrie, enfin, a été fondée le 31 janvier 2015. Elle a pour mission de faire « la promotion de la langue française, de la culture et de l’histoire régionale et nationale et elle coordonne les festivités de la Fête nationale en Estrie, en plus de souligner d’autres événements de commémoration tels que le Jour du Drapeau, la Journée internationale de la Francophonie et la Journée nationale des Patriotes », peut-on lire sur sa page Facebook.

Elle compte 100 ou 200 membres, dit son président Étienne-Alexis Boucher, sans pouvoir donner de chiffres plus précis.

À savoir pourquoi il n’a pas concentré ses efforts de recrutement pour cet organisme, plutôt que pour la Société Saint-Jean-Baptiste du diocèse de Sherbrooke, il explique : « J’ai recruté moins de membres (à la SNE) parce que notre action ne s’est pas concentrée là-dessus. On a d’abord voulu organiser des activités et collecter des fonds. »

« Un des piliers de notre action à la SNE, ajoute-t-il, c’est de collaborer avec l’ensemble des organismes qui promeuvent la défense de la culture, de l’histoire et de la langue française. À ce titre-là on travaille avec le Réseau Québec-France, par exemple, ou avec les classes de francisation. On est peut-être un petit groupe également – et ça nous appartient – qui peuvent débattre d’enjeu politique (…), mais la SNE est prête à travailler avec quiconque, bleu ou rouge, a les mêmes visées que nous pour promouvoir la langue française et la culture québécoise. »

Étienne-Alexis Boucher assure que plusieurs Estriens comme lui sont soucieux de voir la SSJB du diocèse de Sherbrooke retrouver le mordant qu’elle a eu à d’autres époques et il entend bien poursuivre ses efforts de recrutement en ce sens.

« L’histoire du Québec n’appartient ni aux fédéralistes ni aux indépendantistes, elle passe par tous les Québécois, martèle-t-il. J’espère que les dirigeants de la SSJB vont accepter que la revitalisation de leur organisme passe par de nouveaux membres. »

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