- Une solution aux pratiques usuraires
Alphonse Desjardins est né à Lévis en 1854 au sein d’une famille pauvre. Il débuta sa carrière en 1872 comme journaliste avant de devenir en 1879 éditeur des débats à l’Assemblée législative du Québec. Comme membre du conseil municipal de Lévis de 1888 à 1893, Desjardins avait déjà été témoin de la difficulté de ses concitoyens d’obtenir du crédit auprès des institutions financières. Mais ce fut le débat à la Chambre des Communes en 1897 entourant les pratiques usuraires à Montréal qui amena Desjardins à chercher une solution à cette absence d’accès à des services de crédit et d’épargne.
- Le système coopératif comme modèle
Desjardins entre en contact avec les principaux représentants des coopératives de crédit, les banques populaires et les caisses rurales d’Allemagne, de France et d’Italie, ainsi que des banques d’épargnes américaines. Accumulant ainsi une énorme documentation, il conçut un modèle original de coopérative. Comprenant les besoins financiers de la classe ouvrière et des groupes les plus démunis, il imagina à la fin des années 1890, un système permettant aux ouvriers, agriculteurs et petits notables locaux de surmonter leurs difficultés financières en les incitant à se regrouper pour mettre en commun leurs maigres ressources.
- Le scepticisme des institutions financières
Son approche novatrice a souvent suscité le scepticisme des institutions financières établies. Cependant, sa persévérance et son engagement envers sa vision lui ont permis de surmonter ces obstacles. En 1900, Desjardins fonda sa première Caisse Populaire à Lévis dans laquelle les membres pouvaient déposer leurs maigres épargnes et obtenir un crédit abordable. Ceux-ci pouvaient ainsi échapper aux prêts usuraires offerts par des prêteurs peu scrupuleux. Plus encore, en 1901, il fonda le mouvement coopératif provincial au Québec.
- Un système appuyé par les gouvernements québécois et fédéral
Son approche visionnaire lui permirent de révolutionner le système financier canadien en créant un système de crédit coopératif tout en promouvant l’éducation économique. D’ailleurs, dès 1906, sous son impulsion, le gouvernement du Québec adopta une loi portant sur la formation de syndicats coopératifs et donnant une reconnaissance juridique au réseau que Desjardins était en train de mettre en place. Il obtient en 1908 l’adoption d’une loi similaire par la Chambre des Communes à Ottawa
- Les Caisses Populaires : un modèle coopératif
D’entrée de jeu, la première Caisse Populaire dépassa toutes ses attentes. Cet immense succès l’incita dès 1901 à étendre son modèle coopératif financier au Québec, et même au reste du Canada. Entre 1901 et 1920, il avait participé à l’ouverture de 187 Caisses Populaires au Québec. En 1914, il regroupa les différentes coopératives pour former le Mouvement Desjardins, faisant ainsi du Québec le plus grand centre coopératif financier de l’Amérique du Nord. Mais Desjardins ne s’arrêta pas là. Il contribua aussi à ouvrir 24 caisses en Ontario, en plus de soutenir le développement du mouvement des « credit unions » en Nouvelle Angleterre en y fondant 9 Caisses. Par ailleurs, il collabore à la rédaction de projets de loi concernant les coopératives d’épargne et de crédit au Massachusetts et à New York.
- Un riche héritage pour le Québec
À son décès en 1920, Alphonse Desjardins léguait un riche héritage. Entrepreneur visionnaire, il avait jeté les bases d’un système moderne de crédit coopératif au Canada en plus d’offrir un modèle de coopération inspirant plusieurs pays. Orienté vers un soutien aux collectivités locales, en plus d’offrir une vaste gamme de services financiers, le Mouvement Desjardins allait après la 2e guerre mondiale offrir des services d’assurances et de gestions de fonds de retraite. Il misa aussi sur l’éducation financière comme pierre angulaire de son action. Il croyait important d’aider les gens à gérer efficacement leurs finances et d’éviter l’endettement. Fervent défenseur du mouvement coopératif, Desjardins était convaincu que les entreprises coopératives pouvaient améliorer les collectivités et réduire la pauvreté.
Gilles Vandal, Ph.D
Professeur émérite de l’Université de Sherbrooke
