Le rapport du Juge John Gomery – 2005

  1. Le scandale des commandites

Dans la foulée des échecs des négociations constitutionnelles au début des années 1990 et les résultats serrés du référendum de 1995, le gouvernement de Jean Chrétien a mis sur pied une vaste campagne publicitaire pour promouvoir le fédéralisme au Québec. Ce programme de commandites a été lancé en 1996 et s’est échelonné jusqu’en 2005. Quelques 332 millions de dollars de fonds publics en provenance du ministère des travaux publics et autres services gouvernementaux ont été alloués à des agences privées de publicité pour couvrir différents événements culturels, sportifs et communautaires dans le but de promouvoir au Québec le fédéralisme canadien. 

  1. Le rapport de la vérificatrice générale

Au début des années 2000, plusieurs médias commencèrent à s’interroger sur les fonds alloués à ces agences, la nature des contrats et les procédés comptables douteux utilisés. En novembre 2003, la vérificatrice générale produit un rapport qui fut rendu public au début de février 2004 et qui corroborait les questions soulevées par les médias. Dans une tentative de  dissocier son gouvernement du scandale des commandites, le nouveau premier ministre Paul Martin annonça le 9 février 2004 la création d’une commission d’enquête présidée par le Juge John Gomery.

  1. Le Parti Libéral du Canada est pointé du doigt

La commission débuta ses auditions publiques des témoins en septembre 2004. En plus d’une dizaine de hauts fonctionnaires et de hauts dirigeants du parti libéral du Canada, Jean Chrétien, Jean Pelletier et Paul Martin durent aller témoigner devant la commission, ainsi que quatre ministres fédéraux. De plus, la commission convoqua comme témoins une dizaine de dirigeants d’agences de publicité dont Jean Brault du Groupaction  et Claude Boulay du Groupe Everest. Jean Brault reconnut sa participation à un financement illégal et fut placé en garde auprès des services correctionnels du Canada. Quant au témoignage du Claude Boulay dont le Groupe Everest a bénéficié de plus de 67 millions de dollars. Ce dernier se démarque par de nombreux trous de mémoire. En tout, les travaux de la commission ont coûté plus de 35 millions de dollars.                                                                                                           

  1. Les blâmes du juge Gomery

Le juge Gomery remit un rapport volumineux de 686 pages en novembre 2005 dans lequel il blâme sévèrement  Jean Chrétien et son entourage immédiat pour son ingérence dans le programme des commandites et d’avoir alimenter un système complexe de corruption profitant au parti libéral du Canada. Le rapport fournit un récit détaillé d’« avidité, de vénalité et de malversations » impliquant des sommes colossales et mettant en scène des personnages louches tenant des réunions secrètes.Si dans son rapport, le juge Gomery souligne ces pratiques douteuses, il constate l’absence de preuves de favoritisme ou d’actes répréhensibles dans le cadre du scandale des commandites. De plus, il exonéra le premier ministre Paul Martin et les membres de son cabinet, faisant porter le blâme uniquement sur l’ancien gouvernement libéral. 

  1. Une commission qui ne règle pas tout

Si les travaux de la commission Gomery furent en soi louable pour avoir sensibilité davantage les Canadiens à la corruption et au clientélisme politique et à les rendre plus vigilants, il se  dégage une impression générale que la commission évita d’aller plus loin. Par dessus tout, le rapport Gomery évita de traiter d’un point capital: comment le programme des commandites fut mis sur pied comme un substitut à un véritable dialogue avec le Québec concernant ses revendications constitutionnelles.

 

Gilles Vandal, Ph.D
Professeur émérite de l’Université de Sherbrooke

Category
2e trimestre 2025, Régime canadien