09 Sep La petite histoire derrière L’Estrie s’enslame pour le français! – 2024
Afin de contextualiser l’émergence de l’initiative littéraire l’Estrie s’enslame pour le français, on a demandé au co-créateur de cette dernière et co-fondateur d’En Verve et Poésie de nous présenter l’origine et la mission de l’organisme pour lequel il est trésorier. Il a plutôt décidé de nous raconter une histoire.
« Je suis arrivé à Sherbrooke il y a vingt ans. Je voulais aller à l’université pour rencontrer des gens comme moi. Du monde possédé par la ferveur d’écrire. En Verve, ça commence là pour moi.
À la rentrée, lors de la remise de l’agenda, des gens tenaient des tables dans les couloirs du Centre culturel afin d’inviter le monde à faire partie d’une communauté, à s’impliquer et à faire du bénévolat. J’ai inscrit mon nom trois fois : un cercle d’écriture, un comité de mobilisation de grève et une projection d’un film sur Noam Chomsky. À vingt et un an, en une journée (un aprem en fait), j’avais, sans le savoir, aligné mes prochains vingt ans de vie.
Pour moi, tout était à faire à Sherbrooke. Je ne me doutais pas encore de la richesse et la profondeur du milieu artistique et social estrien. J’étais habité par le désir de tracer un chemin différent avec celles et ceux qui me ressemblaient. Dix ans ont passé et combien d’événements, d’ateliers, de recueils, de projets, dont un enfant sur le side hahaha. Il y a eu la création de Slam du Tremplin sur le coin d’une table après un souper communautaire au Tremplin avec mon grand chum Charles Fournier. Ou encore de développer un projet interscolaire de poésie au primaire avec les lumineuses Mylène et Éliane, deux étudiantes en éducation qui sont devenues des profs incroyables. Les rues bloquées par la poésie, les festivals sans fin, les Granadas pleins. Les prises de parole, les slams sauvages, les micros-ouverts et les jams de fous. À travers tout ça, toujours, du monde qui se rassemblent en cercles, qui collent des tables ensemble dans des lieux publics ou des cafés, qui étalent du papier et des crayons et se commettent à l’écriture.
Puis, durant ce même cycle de dix ans, j’ai découvert des étudiantes au Séminaire qui rêvait d’un Sherbrooke placardé de poésie. Elles avaient dû avoir de drôles de profs et d’encore plus folles amies pour les convaincre que c’était une bonne idée. Elles avaient appelé ça Sherbrooke prend la parole. Une autre génération avec la même conviction que tout était à faire. Sa co-créatrice, Joanie Bernard, pétillait et parlait de démocratiser la poésie. Et elle le faisait, avec sa gang, récoltant à chaque année des dizaines de textes de plus que la précédente et étalant chaque fois un peu plus la conquête de la poésie dans l’espace public.
On s’est trouvé. Nous rêvions toutes et tous de développer le côté citoyen et communautaire de la littérature. Nous voulions propager cette passion pour l’art et le social à travers l’Estrie, des quartiers populeux aux écoles de village. On a donc créé ce qu’on nomme être un rassemblement des forces vives d’artistes interdisciplinaires convaincus·es du pouvoir de l’art social et communautaire et œuvrant à la démocratisation et à la médiation de la littérature. Une longue phrase pour dire qu’on est ben hot. Le nom nous vient d’une vieille note que j’avais prise, lors d’une rencontre de la slamille, un collectif qui animait le mouvement slam en dehors des murs du Tremplin. Marianne V avait proposé de s’appeler En Verve. Ça sonnait comme le mouvement “En Marche!” sur lequel je lisais à l’époque. C’est resté et c’est devenu En Verve et Poésie : une organisation d’économie sociale qui aime développer des projets durables avec des partenaires. L’Estrie s’enslame fût notre premier projet de la sorte et on espère que dans vingt années devant, il existera toujours et que nous serons encore convaincus·es que tout est à faire. »
Frank Poule, poète