Création des Forges du Saint-Maurice – 1730

1. Des forges pour répondre à des besoins militaires
La France et la Grande-Bretagne étaient impliquées au 18e siècle dans une vive rivalité coloniale. Le besoin d’établir des forges pour fabriquer des barres en fer nécessaire à la construction, l’armement et l’entretien des navires de la marine royale devint pour la France une urgente nécessité.

 

Aussi, le ministre de la Marine octroya en 1730 un mandat royal, comprenant un prêt de 10 000 livres et un monopole de 20 ans, à François Poulin de Francheville, seigneur de Saint-Maurice, pour qu’il exploite des mines de fer et se lance dans la fabrication de barres de fer. Ainsi, le projet des Forges du Saint-Maurice au nord de Trois-Rivières fut lancé. Elles débutèrent leurs activités en 1733, mais l’entreprise connut immédiatement des déboires. D’une part, son fondateur décéda la même année. Par ailleurs, si le minerai de fer était de bonne qualité, le procédé de fonte ne s’avérait pas rentable.

 

2. La mise en place d’une nouvelle technologie
En conséquence, le ministre de la Marine envoya sur place, François Pierre Olivier de Vézin, jeune maître de forges de 28 ans, avec mission d’évaluer si l’expérience devait être poursuivie ou non. Le jeune maître proposa alors de recourir à un autre procédé de fonte du minerai, introduisant en Nouvelle-France une technologie éprouvée depuis plus de 200 ans en Europe, pour assurer la viabilité de l’entreprise. Pour ce faire, Vézin suggéra la construction d’un complexe sidérurgique de grande taille et d’engager des fondeurs aux compétences reconnues afin que les activités puissent démarrer en août 1738.

 

Dans un premier temps, les fondeurs produisaient d’énormes lingots de fer surnommés “cochons”. Puis, ces lingots étaient ensuite transférés aux forges pour être affiner par les forgerons. Fondus en une masse pâteuse, ces lingots étaient ensuite martelés et transformés en barres.

 

3. Une production de grande qualité, mais peu rentable
La production des Forges du Saint-Maurice répondit dès le début à trois grandes clientèles: l’arsenal de Rochefort en France, le chantier naval de Québec et les besoins locaux. Par exemple, les Forges du Saint-Maurice fabriquait au début des années 1740 environ 200 poêles par années pour répondre aux besoins locaux de la population. Pehr Kalm, un visiteur suédois, rapportait en 1744 que le fer produit aux Forges du Saint-Maurice était de qualité supérieure par sa résistance à la rouille et son caractère doux, malléable et résistant par rapport à tout ce qui pouvait être produit dans les colonies anglaises ou espagnoles.

 

Toutefois, les Forges du Saint-Maurice connurent une crise majeure en 1741. La rentabilité n’était pas au rendez-vous et l’entreprise était au bord de la faillite. Sous la recommandation de l’intendant Hocquart, le gouvernement royal accepta finalement en 1743 de prendre possession des Forges tout en libérant les anciens gestionnaires de leurs dettes. Un incendie ravagea une partie du complexe en 1747, obligeant la Couronne à reconstruire les sections endommagées : les Forges du Saint-Maurice étaient devenues une institution économique majeure de la Nouvelle-France.

 

À la suite de la conquête britannique en 1760, les Forges du Saint-Maurice survécurent sous un système de concession louée à des entrepreneurs privés. Par ailleurs, ses activités consistaient dorénavant à répondre aux besoins grandissant de la population locale en produisant essentiellement des outils et instruments liés au chauffage, à la cuisine ou à l’agriculture. Elles restèrent ainsi en opération jusqu’en 1883. En 1973, Parcs Canada les désignèrent comme un grand site historique.

 

 

Gilles Vandal, Ph.D
Professeur émérite de l’Université de Sherbrooke

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4e trimestre 2024, Régime britannique