Décès de Jean Talon – 1694

Né en 1626,  Jean Talon, après ses études chez les Jésuites, débuta sa carrière administrative en 1653  comme intendant de l’armée du général Turenne, avant de devenir en 1654 intendant de la province de Hainaut. Son zèle et sa compétence furent reconnues par Louis XIV et le ministre Colbert qui souhaitaient donner un nouvel essor à Nouvelle-France  qui, sous la gouvernance de la Compagnie des Cent-Associés (1627-1663), gisait dans un état de désorganisation.

  1. Une Nouvelle-France à réorganiser

Affaiblie dans les luttes sans fin avec les Iroquois, cet ennemi insaisissable menaçait constamment la fragile existence de la Nouvelle-France, alors que le commerce des fourrures, la base économique de la colonie, était réduit presque à néant. Louis XIV décida d’intervenir avant qu’il ne soit trop tard. La transformation d’un vaste territoire, comprenant la vallée du St-Laurent, l’Acadie et Terre-Neuve, en domaine royal fut marquée par la nomination d’un gouverneur royal, premier personnage de la colonie, responsable de la défense de celle-ci et des relations avec les Premières Nations, ainsi que la nomination d’un intendant, chargé de l’ensemble du gouvernement civil de cette dernière.  Jean Talon fut désigné pour occuper ce poste.

  1. Un intendant de qualité pour la Nouvelle-France

Talon s’embarqua pour la Nouvelle-France en mai 1665. En plus d’être responsable de l’administration de la justice et du contrôle des finances, il se vit octroyer le mandat de poser les bases administratives de la colonie et d’y promouvoir un programme ambitieux de développement économique. D’ailleurs, Talon assuma deux fois le poste d’intendant de la Nouvelle-France, soit durant les années 1665-1668 et 1670-1672.

Dès son arrivée en septembre 1665, Talon s’attela à la tâche de fournir aux 1 300 soldats du régiment Carignan-Salières qui venaient d’arriver dans la colonie, le logement, les vêtements et les vivres  dont ces derniers avaient besoin pour passer l’hiver. De plus, il devait réunir les ressources matérielles, incluant la construction de barques, pour l’organisation de l’expédition militaire projetée pour l’année suivante contre les Iroquois, ainsi que pour le renforcement des fortifications. Talon devait aussi veiller au contrôle des finances et s’assurer que les fonds destinés au maintien des troupes via l’achat de vivres, de munitions, de réparations et de constructions des fortifications, soient judicieusement dépensés. 

Son mandat consistait aussi à instaurer un système de justice royale. Dès 1666, il dota les villes de Québec et de Trois-Rivières d’un tribunal de première instance,  le Conseil souverain étant le plus haut tribunal de la colonie. Il devait s’assurer qu’une bonne et prompte justice soit rendue par une audition de toutes les plaintes et prendre les mesures nécessaires pour que les jugements soient exécutés à l’égard des personnes coupables de crimes. 

  1. Des mesures énergiques pour peupler la Nouvelle-France

Parmi les mesures les plus appropriées pour assurer le développement de la Nouvelle-France, Talon jugea qu’il fallait peupler la colonie. Pour ce faire, il mit en place une stratégie en trois volets. Premièrement, il tint en 1666 le premier recensement de la population de la colonie afin d’en connaître les composantes et les besoins. Deuxièmement, il encouragea les soldats du régiment Carignan-Salières à s’établir dans la colonie, une fois leur temps de service terminé. Et finalement, il stimula l’immigration en faisant venir 1 500 personnes de France, surtout de jeunes femmes qui pouvaient se marier avec les anciens soldats ou les jeunes engagés qui avaient accepté d’immigrer dans la colonie. Cette stratégie eut pour effet de faire passer la population de la Nouvelle-France de 3 000 à 7 000 habitants en seulement cinq ans.

  1. La mise en place d’une politique économique efficace

La politique d’essor économique mise en place par Talon ne se limita pas à encourager des secteurs comme l’agriculture par l’introduction de nouvelles cultures, l’élevage avec la diversification du bétail, les pêcheries et les mines. Il comprit aussi l’importance de doter la Nouvelle-France d’industries diversifiées. Il fit abattre des arbres durant les mois d’hiver pour encourager les exportations vers les Antilles et favoriser l’émergence de la construction navale. Il ouvrit une tannerie et stimula la culture du chanvre et du lin comme matière première pour l’industrie naissante du vêtement. Finalement, il encouragea les colons à cultiver le houblon pour alimenter la nouvelle brasserie qu’il créa. Par ses différentes initiatives, l’économie de la colonie cessa de reposer uniquement sur la traite des fourrures. Sous son régime, la Nouvelle-France s’intégrait graduellement dans le commerce triangulaire tout en poursuivant l’exploration du continent.

Les politiques qu’il mit en place se démarquent par leur cohésion et leur réalisme. Aussi, les historiens se souviennent de lui pour ses remarquables réalisations qu’il donna à Nouvelle-France. Après son retour en France, Talon fut récompensé en devenant le premier valet du roi et secrétaire du conseil privé tout en se voyant octroyer le titre de comte d’Orsainville.

 

Gilles Vandal, Ph.D
Professeur émérite de l’Université de Sherbrooke

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4e trimestre 2024, Régime français