- Un chant patriotique composé en 1842
Qui ne connaît pas le chant « Un Canadien errant », ce chant patriotique composé en 1842 par Antoine Gérin-Lajoie et qui met en scène un des 58 déportés en Australie qui se plaint de ne plus revoir son pays suite aux événements survenus en 1837-1838. Rappelons que les « Troubles » de 1837-1838 visaient la mise en place d’un gouvernement responsable en lieu et place de la gouvernance britannique qualifiée de tyrannique par les Patriotes. Cette triste histoire est encore chantée de nos jours. Mais que savons-nous des conditions de vie de ces prisonniers politiques durant toutes ces années passées dans cette colonie pénitentiaire britannique?
Rappelons les faits. Après les soulèvements de 1838 des Patriotes du Bas-Canada, la gouvernance britannique avait jugé important de maintenir prisonniers 108 de ces militants dont 99 furent jugés coupables de haute trahison envers la Couronne britannique. De ce nombre, 12 furent pendus, 58 exilés en Australie, 27 libérés sous caution et deux autres bannis du Bas-Canada.
- Condamnés à l’exil pour ne plus revenir?
Les 58 exilés avaient donc été condamnés à finir leurs jours en Australie au lieu d’être…pendus; ils furent menés à Québec d’où partit le trois mâts HMS Buffalo le 28 septembre 1839. Imaginons la tristesse qu’ils ont vécu de se sentir séparés de leur famille, femmes, enfants et parenté immédiate! Sans compter les amis et voisins dont ils se savaient séparés à tout jamais. De plus, ils ignoraient tout de la durée du trajet, ni des conditions dont ils auraient à se soumettre durant cette traversée, ni des travaux qu’ils devraient effectuer dans cette région située à l’autre bout du monde!
- Une longue traversée aux conditions exécrables
Ce trajet en mer dura cinq longs mois pendant lesquels les prisonniers politiques devaient partager un espace limité dans la cale du navire de 37 mètres de longueur et ce, 22 heures durant, bénéficiant d’une pause de deux heures par jour! Et pour éviter toute forme de désobéissance, le capitaine imposa les heures du coucher de 20 heures à 6 heures du matin! Il leur était défendu de parler entre eux, sinon ils étaient soumis à des punitions qui pouvaient les priver de la maigre pitance qui leur était servi…Ce qu’on leur servait se limitait à du gruau, de la soupe aux pois et à des biscuits de mer et un peu de bœuf salé, et tout cela arrosé d’une pinte d’eau de pluie recueillie dans des barriques…
- Une arrivée en sol australien
Comme l’Australie était une colonie pénitentiaire dirigée par la Grande-Bretagne et ce, depuis la fin du 18e siècle, le quart de la population comptait des détenus! Les 58 logeaient dans des huttes faisant 5 m sur 3 pour 15 hommes! Les travaux forcés comprenaient la casse de grosses pierres pour en faire des cailloux et du gravier servant à construire la route allant de Sydney jusqu’à Paramatta. Ils devaient travailler en silence et toute désobéissance était punie de 50 coups de fouet. Condamnés à vie pour effectuer ces durs travaux, en décourageaient plus d’un; se savoir coupés du monde, de leur monde, les désespéraient. Ils ignoraient, qu’au pays, une organisation s’était mobilisée de 1841 à 1843 pour recueillir des fonds afin de payer les voyages du retour : l’Association de la Délivrance, car là-bas, au pays, il y avait l’espoir d’un retour prochain. Puis les nouvelles se firent rassurantes car dès 1843, il y eut des libérations conditionnelles, et on assouplit leurs conditions de vie en leur permettant de travailler comme manœuvres pour des employeurs privés. Puis en 1844, une amnistie fut déclarée pour tous. Un seul Patriote ne revint pas au pays, ayant trouvé l’amour de sa vie là-bas, en Australie! Marceau était son nom, et ses descendants se souviennent encore de lui, un des prisonniers politiques, un de ces héros de la démocratie!
Luc Guay, Ph.D
Professeur retraité de l’Université de Sherbrooke