Né d’une famille métisse, Louis Riel passa son enfance au Manitoba. Ayant étudié dans une école catholique et s’avérant un excellent étudiant, il fut envoyé en 1858 dans un collège à Montréal afin de recevoir une formation classique menant à la prêtrise. Toutefois, la mort en 1864 de son père qu’il n’avait pas vu depuis six ans, remit graduellement en question son engagement religieux. Finalement, il abandonna ses études en 1868 pour retourner au Manitoba et soutenir sa famille en travaillant dans un cabinet d’avocats.
- Défenseur des droits des Métis
Il fut presqu’immédiatement sollicité par les Métis de la Rivière Rouge pour contrer les projets du gouvernement canadien d’annexer les territoires de la Compagnie de la Baie d’Hudson que cette dernière vendit au Canada en 1869. De fait, durant les années 1850, les Métis avaient obtenu des droits de propriété le long de la Rivière Rouge. Aussi, en plus de perdre leur autonomie politique, ils craignaient alors de perdre leurs terres traditionnelles et leurs moyens de subsistance, d’autant plus que des colons canadiens protestants venant de l’Ontario affluaient au Manitoba avec comme objectif d’annexer la colonie de la Rivière-Rouge au Canada. Déjà à l’été 1869, des fonctionnaires furent envoyés pour arpenter les terres.
- Organisation d’un gouvernement provisoire
C’est dans ce contexte que Riel organisa pendant l’hiver 1869-1870 un mouvement de résistance dans la Rivière Rouge en formant une milice qu’il utilisa pour arrêter les arpenteurs canadiens, s’emparer du Fort Garry et former un gouvernement provisoire. Toutefois, un groupe de Canadiens protestants s’étaient opposés au gouvernement provisoire de Riel en janvier 1870. L’un d’eux, Thomas Scott, défia le gouvernement provisoire, se battant contre les gardes et insultant le président. Scott fut jugé par un tribunal militaire et condamné à mort. Riel autorisa son exécution qui survint le 4 mars.
Entre-temps, le gouvernement provisoire dirigé par Riel négocia l’entrée du Manitoba dans la Confédération canadienne sur la base de dispositions protégeant les droits religieux et linguistiques et les terres des Métis. Sur cette base, le parlement canadien adopta le 12 mai la loi sur le Manitoba. Le gouvernement provisoire l’approuva le 24 juin. La loi entra en vigueur le 15 juillet 1870. De plus, Riel, comme dirigeant du gouvernement provisoire, est forcé de s’enfuir pour éviter la mort, car certains soldats manifestèrent leur désir de venger Scott. En conséquence, Riel trouve refuge aux États-Unis.
- Les Métis sont repoussés en Saskatchewan : Riel est appelé à gérer la résistance
Riel obtint finalement en 1877 une amnistie pour les troubles de 1869-1870, à la condition de ne pas rentrer au Canada avant 1882. En juin 1884, il reçoit la visite dans sa résidence du Montana de quatre Métis qui sont venus lui demander de diriger de nouveau les Métis, ceux-ci ayant été obligés de déménager dans le nord de la Saskatchewan. Or, ces derniers se voient à nouveau menacés par l’arrivée de colons et d’immigrants. Leurs droits ne sont pas respectés et ils voient leurs terres confisquées. Il part donc avec sa famille pour Batoche au début de juillet 1884.
Riel propose aux Métis un programme de coexistence avec les Amérindiens et les colons blancs dans lequel chaque groupe conserve son indépendance. Les propositions sont acheminées à Ottawa, mais le gouvernement tarde à répondre. Entre-temps, la situation se détériore, alors que les colons canadiens obtiennent des droits de propriété. Riel forme un gouvernement provisoire en mars 1885, organise une milice et fait adopter une Déclaration affirmant les revendications des Métis dont leurs droits de possession de leurs fermes.
Entre-temps, un détachement de la police montée de 56 hommes soutenu par 41 civils fut envoyé au Fort Carlton. Mais ceux-ci furent interceptés au Lac aux Canards. Une escarmouche s’ensuivit le 26 mars causant 10 morts parmi les forces canadiennes. Découvrant que les forces canadiennes n’étaient pas invincibles, 200 Cris se joignent à la révolte, tuant 9 autres Canadiens. Le premier ministre MacDonald mobilisa alors une force de 8 000 hommes. Acheminées par chemin de fer, les troupes canadiennes écrasèrent la révolte en moins de quatre jours de combat. Les Métis ayant été vaincus, Riel se rendit le 15 mai 1885.
- Riel est accusé, jugé et condamné
Accusé de haute trahison, Riel fut emmené à Régina pour y être jugé devant un jury composé de membres anglo-saxons et protestants en juillet. Riel plaida « non coupable » et ne put exprimer les griefs des Métis qui avaient mené à la rébellion. Il fut condamné à mort par pendaison le 18 septembre. Après divers appels, la sentence fut exécutée le 16 novembre.
L’exécution de Riel marqua profondément l’histoire canadienne. Elle avait fait de lui un martyr du peuple métis et raviva fortement le nationalisme canadien-français sous la gouvernance d’Honoré Mercier. Le parti conservateur perdit le soutien traditionnel du Québec qui se transféra au Parti libéral dirigé par Wilfrid Laurier à partir de 1887. Enfin, le gouvernement du Manitoba lui octroya même en 2023 le titre honorifique de « premier premier ministre du Manitoba ».
Gilles Vandal, Ph.D
Professeur retraité de l’Université de Sherbrooke