- Un canal pour favoriser le développement économique de Montréal
Quelques décennies après la « naissance » de Montréal, il était devenu évident qu’il fallait relier la petite agglomération avec les Pays-d’En-Haut, soit les Grands-Lacs, afin de mieux s’approvisionner en fourrures, le principal pilier de l’économie du temps, mais la technologie et les coûts d’un tel chantier n’étaient pas au rendez-vous. Imaginez : il fallait trouver un moyen pour contourner les rapides du lac St-Louis dont le dénivelé est de 14 m! Toutefois, au fil du temps et après la Conquête britannique de 1763, l’industrie du bois commençant à supplanter celle des fourrures, il était devenu évident que pour la survie socioéconomique de Montréal, qu’il fallait assurer le transport maritime du port de Montréal afin d’acheminer les marchandises d’outre-mer vers le coeur de l’Amérique.
Aussi, pour relier les Grands-Lacs à partir de Montréal, il a fallu réaliser un chantier titanesque : pendant quatre ans, soit de 1821 à 1825 (l’inauguration eut lieu en 1824 même si le canal n’était pas tout à fait terminé), les ouvriers ont dû creuser avec pics et pioches sur une longueur de 15,5 km et d’une largeur de 14,6 m un canal qui permit aux bateaux de transiter du port de Montréal vers les Pays d’En-Haut. La tâche était titanesque car rappelons-le, le dénivelé, sur cette longueur qui allait du lac St-Louis jusqu’au port de Montréal, est de 14 m! La mise en œuvre de cinq écluses était devenue nécessaire pour que les navires de l’époque, des voiliers qu’on appelait gabares, puissent réaliser le passage et le transbordage des marchandises. Soulignons que les bateaux étaient halés par des chevaux qui les tiraient le long du canal.
- Un agrandissement devenu nécessaire
Victime de son succès, il a fallu élargir le canal et doubler sa profondeur. Ainsi, sa largeur passa de 14,6 m à 36,6 m et sa profondeur, de 1,5 m à 3 m. Les travaux s’échelonnèrent de 1843 à 1848, soit une vingtaine d’années après son inauguration! Et ce n’est pas tout : trente ans plus tard, soit en 1873, on procéda à nouveau à son agrandissement afin de permettre à de plus imposants bateaux, de transiter vers les Grands-Lacs. On en profita pour élargir et électrifier les portes des écluses.
La circulation maritime était tellement intense qu’on évalue à 15 000 le nombre de bateaux qui empruntaient le canal chaque année et ce, jusqu’à la grande crise économique de 1929. Montréal connaissait un boom industriel avec comme têtes de pont des entreprises reliées, à 80%, à l’industrie du bois et de la métallurgie. Ainsi, le long du canal, on retrouvait des entreprises attitrées à la construction navale, à des scieries, mais aussi à des tanneries, à des distilleries et même à une raffinerie de sucre.
- Un canal devenu désuet
Le canal ne pouvant plus être élargi pour accueillir les navires plus imposants des années 1950, les gouvernements se tournèrent vers un autre chantier titanesque, soit la construction de la voie maritime du St-Laurent en 1959, surclassant le « vieux » canal Lachine, obligeant les autorités à le fermer en 1970.
- Une nouvelle vie pour le « vieux » canal
Que faire avec le « vieux » canal? Il ne fut pas facile de fermer le canal Lachine en 1970, alors que des milliers d’emplois en dépendaient et que des quartiers entiers se vidèrent de leur population ouvrière. La fermeture du canal provoqua une tragédie sociale à Montréal. Divers projets de revitalisation furent mis de l’avant en 1977 afin d’offrir une seconde vie au canal, dont celui d’une piste cyclable et piétonnière le long des deux côtés du canal. Le projet connut un immense succès provoquant même l’embourgeoisement des quartiers qui bordent le canal.
Luc Guay, Ph.D
Professeur retraité de l’Université de Sherbrooke