Jusqu’au début du 20e siècle, la ville de Québec ne disposait pas de voies ferrées la reliant à la rive sud. Les passagers et les marchandises devaient recourir à des traversiers pour traverser le Saint-Laurent et bénéficiaient l’hiver d’un pont de glace. Toutefois, le gouvernement fédéral décida en 1887 de construire un pont à l’endroit le plus étroit du fleuve en amont de Québec et de Lévis. Le projet de conception fut confié à Theodore Cooper. Cet ingénieur américain avait à son actif de nombreux projets prestigieux, dont le pont de la Deuxième Avenue à New York. Cooper conçut un pont ferroviaire à deux voies pour répondre aux besoins de 11 compagnies de chemins de fer, ainsi qu’une chaussée pour les autres véhicules et une voie pour piétons. La ville de Québec allait ainsi être reliée à la rive sud et aux États-Unis de manière permanente.
- Un chef d’oeuvre d’ingénierie
La conception du pont de Québec long de 987 mètres représente un chef-d’œuvre d’ingénierie avec une travée suspendue de 549 mètres entre deux pylônes possédant le plus long pont cantilever au monde. La construction fut confiée à des entreprises canadiennes sous la direction de l’ingénieur S. E. Vautetet. Les travaux de sa construction débutèrent en octobre 1900.
- Deux effondrements tragiques
Sa construction fut marquée par deux incidents tragiques qui entrainèrent la mort de 89 ouvriers. Un premier accident survint le 29 août 1907, alors que la partie sud de la charpente s’effondra. Cet accident causa la mort de 76 ouvriers, dont 33 Mohawks de Kahnawake. À la suite de cet accident, la poursuite de la construction fut confiée en 1911 à la St. Lawrence Bridge Company qui mit deux ans à dégager les débris répandus dans le fleuve. Puis un nouvel accident, entraînant la mort de 13 ouvriers, survint le 11 septembre 1916, lors du levage de la travée suspendue. Une nouvelle travée fut fabriquée et installée avec succès le 20 septembre 1917. Le premier convoi ferroviaire traversa le pont le 17 octobre 1917, mais son inauguration officielle ne survint que le 22 août 1919 en présence du prince de Galles, le futur Édouard VIII.
- Une reconfiguration nécessaire
Entre 1929 et 1993, le pont subit trois modifications majeures qui améliorèrent son utilisation. Une chaussée carrossable à péage fut ajoutée en 1929 pour permettre aux automobilistes d’emprunter le pont. En 1949, le gouvernement fédéral, propriétaire du pont, décida de reconfigurer le tablier du pont en remplaçant l’une des voies ferrées par une deuxième voie carrossable. Pour répondre aux pressions croissantes des automobilistes, on ajouta une troisième voie carrossable en 1993.
Le pont de Québec représente toujours un lien de transport essentiel pour la grande région de Québec, permettant aux passagers et aux marchandises de circuler librement entre les deux rives du fleuve. Il est emprunté chaque jour par quelque 33 000 véhicules, plus de 400 autobus de transport en commun, environ 10 trains de voyageurs de VIA Rail et 3 trains de marchandises du CN. Par ailleurs, plus de 1 000 piétons et cyclistes le franchissent chaque jour pendant la période estivale.
- Un joyau architectural
Le pont de Québec représente aussi un joyau architectural et un lieu historique national. Aussi, voulant souligner l’importance du caractère unique du défi technique relevé par sa construction, la Société américaine des ingénieurs civils lui a octroyé en 1987 la désignation de monument historique du génie civil. Cet honneur n’avait été décerné qu’à quatre ouvrages dans le monde. En 1995, Patrimoine Canada a aussi reconnu l’importance du pont de Québec en l’inscrivant dans son registre des lieux historiques nationaux.
Gilles Vandal, Ph.D
Professeur émérite de l’Université de Sherbrooke