Dans la foulée des rébellions qui avaient secouées les colonies du Haut et du Bas-Canada en 1837-1838, John George Lambton, comte de Durham, fut nommé comme gouverneur de l’Amérique du Nord britannique.
- Mission : enquêter sur les causes des Troubles de 1837-1838
Réformateur politique, il reçut comme mission d’enquêter sur les causes de ces révoltes populaires et de proposer des réformes pour apaiser les populations de ces deux colonies. Il arrive au Canada en mai 1838. Mais son séjour ne dura que quatre mois, ayant démissionné à la suite d’un différend avec le gouvernement britannique. Néanmoins, il eut le temps de compléter son investigation avant son retour à Londres. Le 31 janvier 1839, il publia son célèbre Rapport Durham.
- Un rapport controversé
D’entrée de jeu, son rapport avant-gardiste aux yeux de la Couronne britannique, s’avéra controversé. Ses recommandations apparaissaient trop progressistes et visionnaires pour l’époque. Il préconisait l’union de toutes les colonies de l’Amérique du Nord, la création d’une Cour suprême, l’établissement de gouvernements municipaux et l’octroi d’un gouvernement responsable. Le gouvernement britannique ne retient que la proposition d’unifier le Haut et le Bas-Canada.
Sa perception des francophones du Bas-Canada reposait sur de profonds préjugés culturels. Il les décrivait comme formant « un peuple sans littérature et sans histoire ». En conséquence, il préconisait de les assimiler dans la majorité anglophone en unissant toutes les colonies canadiennes. Dominer par la population britannique, les Canadiens-français ne seraient plus ainsi en mesure de poursuivre leurs objectifs ethniques.
- Une union économique favorisant le Haut-Canada
Lord Durham était un adepte du capitalisme libéral qui selon lui générait à la fois l’harmonie sociale et la paix politique. Il préconisa donc le démembrement du “Family Compact”, une « clique conservatrice mesquine, corrompue et insolente » qui dominait le Haut-Canada et recommanda l’union économique des colonies. Une telle politique devait assurer la prospérité future en engendrant le développement d’une forte économie le long des Grands-Lacs et de la vallée du Saint-Laurent.
Le gouvernement impérial ne retint finalement que le projet d’une union des deux Canadas sous le nom de la Province Unie du Canada. La nouvelle entité politique vit le jour en 1841. Elle possédait une assemblée législative divisée également entre le Haut et le Bas-Canada avec chacun 42 députés, bien que le Bas-Canada comptait 200 000 habitants de plus que le Haut-Canada. De plus, le Bas-Canada qui n’avait que 350 000 dollars de dettes en 1840 devait assumer 47,3% des 6,1 millions de dollars de dette du Haut-Canada. L’anglais était la seule langue officielle du Canada. Les Canadiens-Français allaient devoir se battre pour faire reconnaître leurs droits linguistiques.
- Rejet par Londres du principe de gouvernement responsable
Pour régler les problèmes de gouvernance des colonies britanniques de l’Amérique du Nord, Lord Durham préconisait de rendre les gouvernements coloniaux responsables devant l’électorat pour toutes les questions de politiques intérieures. Si Durham considérait cette mesure comme nécessaire pour maintenir la loyauté des populations coloniales envers la Grande-Bretagne, le gouvernement impérial demeurait réfractaire à reconnaître ce principe. Les différentes colonies allaient devoir se battre pour finalement obtenir leur autonomie locale en 1848.
La vision politique de Durham apparaissait trop avant-gardiste en 1840 aux yeux de la Couronne britannique. Elle fut largement réalisée entre 1841 et 1867. Bien qu’il demeure à juste cause une figure honnie au Québec pour ses positions assimilatrices, il doit être crédité pour les tenants du fédéralisme d’avoir établi les fondements de la Fédération canadienne et d’avoir marqué d’un jalon essentiel l’évolution de la démocratie canadienne en proposant l’instauration d’une gouvernance responsable pour les colonies britanniques.
Gilles Vandal, Ph.D
Professeur émérite de l’Université de Sherbrooke